La société civile immobilière (SCI) familiale constitue l'un des outils juridiques les plus utilisés pour détenir, gérer et transmettre un patrimoine immobilier au sein d'une même famille. En 2026, elle conserve tout son intérêt malgré un environnement fiscal en constante évolution.

Ce guide présente le fonctionnement de la SCI familiale, les régimes fiscaux applicables (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés), les stratégies de transmission par donation avec démembrement, ainsi que les points de vigilance à connaître avant de créer cette structure.

Qu'est-ce qu'une SCI familiale ?

Définition juridique

La SCI familiale est une société civile immobilière dont les associés sont exclusivement des membres d'une même famille. Cette notion de famille s'entend au sens large et inclut les parents, les enfants, les frères et sœurs, les conjoints, ainsi que les grands-parents et petits-enfants.

Contrairement à la détention directe d'un bien immobilier, la SCI interpose une personne morale entre les associés et l'immeuble. Les associés ne détiennent plus directement le bien, mais des parts sociales représentatives de leur participation au capital de la société.

Caractéristiques principales

La SCI familiale se distingue par plusieurs caractéristiques essentielles.

L'objet social est strictement civil et limité à l'acquisition, la gestion et la location d'immeubles. Toute activité commerciale (achat-revente habituel, location meublée à titre principal) est exclue, sauf à requalifier la SCI en société commerciale.

Un minimum de deux associés est requis pour constituer une SCI. Aucun capital minimum n'est imposé par la loi, ce qui permet une constitution avec un capital symbolique.

La responsabilité des associés est illimitée mais subsidiaire. Cela signifie que les créanciers doivent d'abord poursuivre la société avant de se retourner contre les associés personnellement, au prorata de leurs parts.

Avantages de la SCI familiale

La SCI familiale présente plusieurs avantages par rapport à la détention directe ou à l'indivision.

Elle permet d'éviter les blocages de l'indivision. En indivision, toute décision importante requiert l'unanimité des indivisaires, ce qui peut paralyser la gestion du bien. La SCI fonctionne selon les règles définies dans ses statuts, avec un gérant disposant de pouvoirs étendus pour la gestion courante.

Elle facilite la transmission du patrimoine. La donation progressive de parts sociales permet de transmettre un patrimoine immobilier sur plusieurs années, en utilisant les abattements fiscaux renouvelables tous les quinze ans.

Elle offre une souplesse de gestion. Les statuts peuvent être rédigés sur mesure pour organiser les pouvoirs du gérant, les modalités de cession des parts et les règles de majorité en assemblée générale.

Régime fiscal de la SCI familiale à l'impôt sur le revenu

Principe de transparence fiscale

Par défaut, la SCI familiale relève du régime fiscal des sociétés de personnes prévu à l'article 8 du Code général des impôts. Ce régime de transparence fiscale signifie que la société n'est pas elle-même imposée. Ce sont les associés qui sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu sur leur quote-part de résultat, proportionnellement à leurs droits dans la société.

Concrètement, si une SCI dégage un bénéfice de 10 000 euros et qu'un associé détient 50 % des parts, cet associé sera imposé sur 5 000 euros de revenus fonciers, même si aucune distribution n'a été effectuée.

Imposition des revenus locatifs

Les revenus tirés de la location nue d'immeubles par une SCI à l'IR sont imposés dans la catégorie des revenus fonciers au niveau de chaque associé.

Le régime micro-foncier s'applique si les revenus fonciers bruts annuels du foyer fiscal sont inférieurs à 15 000 euros (tous biens confondus, y compris ceux détenus en direct). Un abattement forfaitaire de 30 % est alors appliqué pour tenir compte des charges, et le solde est ajouté au revenu imposable.

Le régime réel d'imposition permet de déduire les charges réelles supportées par la société. Parmi les charges déductibles figurent les intérêts d'emprunt, les primes d'assurance, les travaux d'entretien et de réparation, la taxe foncière, les frais de gestion et les honoraires du gérant s'ils sont prévus. Ce régime est obligatoire au-delà de 15 000 euros de revenus fonciers bruts.

Imputation du déficit foncier

Lorsque les charges déductibles excèdent les revenus fonciers, la SCI à l'IR dégage un déficit foncier. Ce déficit, hors intérêts d'emprunt, est imputable sur le revenu global de chaque associé dans la limite de 10 700 euros par an, conformément à l'article 156-I-3° du Code général des impôts.

Cette imputation est subordonnée à une condition de conservation du bien en location jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant l'imputation. La fraction du déficit excédant 10 700 euros ou résultant des intérêts d'emprunt est reportable sur les revenus fonciers des dix années suivantes.

Barème de l'impôt sur le revenu 2025

Les revenus fonciers sont soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu dont le taux est de 0 % à 45 %.

À ces taux s'ajoutent les prélèvements sociaux au taux global de 17,2 %, portant la pression fiscale maximale sur les revenus fonciers à 62,2 % pour les contribuables dans la tranche marginale la plus élevée.

Régime fiscal de la SCI familiale à l'impôt sur les sociétés

L'option pour l'IS

La SCI familiale peut opter pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés en application de l'article 206-3 du Code général des impôts. Cette option doit être notifiée au service des impôts avant la fin du troisième mois de l'exercice à compter duquel la société souhaite être soumise à l'IS.

Depuis la loi de finances pour 2019, l'option est révocable pendant les cinq premières années. Au-delà de ce délai de cinq ans, l'option devient définitive et la SCI ne peut plus revenir au régime des sociétés de personnes.

Détermination du résultat imposable

À l'IS, la SCI détermine son résultat selon les règles des bénéfices industriels et commerciaux. Cette différence fondamentale avec le régime IR permet notamment la déduction de l'amortissement des immeubles.

L'amortissement représente la constatation comptable de la dépréciation du bien au fil du temps. Pour un immeuble, seule la construction est amortissable (le terrain ne se déprécie pas). La durée d'amortissement est généralement comprise entre vingt et trente ans, soit un taux annuel de 3 à 5 % de la valeur de la construction.

Cette déduction d'amortissement réduit le résultat imposable et donc l'impôt à payer, tant qu'aucune distribution n'est effectuée aux associés.

Taux de l'impôt sur les sociétés 2026

Le taux normal de l'impôt sur les sociétés est fixé à 25 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022.

Un taux réduit de 15 % s'applique sur la fraction du bénéfice imposable n'excédant pas 42 500 euros par exercice de douze mois, sous réserve que le chiffre d'affaires hors taxes soit inférieur à 10 millions d'euros et que le capital soit entièrement libéré et détenu à 75 % au moins par des personnes physiques.

Imposition des distributions aux associés

Les bénéfices réalisés par la SCI à l'IS ne sont pas automatiquement imposés au niveau des associés. L'imposition n'intervient que lors de la distribution de dividendes.

Les dividendes perçus par des associés personnes physiques sont soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU ou flat tax) au taux global de 30 %, comprenant 12,8 % d'impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux.

Sur option expresse et irrévocable du contribuable, les dividendes peuvent être soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu après application d'un abattement de 40 %. Cette option peut être intéressante pour les contribuables faiblement imposés.

Comparatif IR versus IS : quel régime choisir ?

Avantages du régime IR

Le régime de l'impôt sur le revenu présente plusieurs atouts pour les SCI familiales.

Le déficit foncier est imputable sur le revenu global des associés, ce qui permet de réduire l'impôt dû au titre des autres revenus (salaires, pensions, etc.). Cette imputation est particulièrement avantageuse lors de travaux importants sur l'immeuble.

Les plus-values de cession sont soumises au régime des plus-values des particuliers prévu aux articles 150 U et suivants du CGI. Ce régime permet de bénéficier d'abattements pour durée de détention aboutissant à une exonération totale après 22 ans pour l'impôt sur le revenu et 30 ans pour les prélèvements sociaux.

Les revenus sont imposés même en l'absence de distribution, ce qui peut être un inconvénient, mais garantit une transparence fiscale totale entre la société et ses associés.

Avantages du régime IS

L'option pour l'impôt sur les sociétés peut se révéler pertinente dans certaines situations.

L'amortissement des immeubles est déductible du résultat, ce qui réduit significativement la base imposable. Pour un immeuble d'une valeur de 300 000 euros (hors terrain), un amortissement sur 25 ans représente une charge déductible de 12 000 euros par an.

Le taux d'imposition est plafonné à 25 % (ou 15 % dans la limite de 42 500 euros), alors que la tranche marginale d'imposition à l'IR peut atteindre 45 % auxquels s'ajoutent 17,2 % de prélèvements sociaux.

La capitalisation des bénéfices est possible sans imposition immédiate des associés. Tant que les bénéfices ne sont pas distribués, seule la société est imposée au taux de l'IS.

Inconvénients du régime IS

L'option pour l'IS présente également des inconvénients majeurs qu'il convient d'anticiper.

Le régime des plus-values professionnelles s'applique en cas de cession de l'immeuble. La plus-value est calculée par différence entre le prix de cession et la valeur nette comptable (prix d'acquisition diminué des amortissements pratiqués). Elle est imposée au taux de l'IS sans aucun abattement pour durée de détention.

Ainsi, les amortissements déduits pendant la période de détention viennent majorer la plus-value imposable lors de la cession. L'économie d'impôt réalisée pendant l'exploitation est en partie reprise lors de la vente.

Le retour au régime IR est impossible après cinq ans. Cette irréversibilité impose une réflexion approfondie avant d'exercer l'option.

Critères de choix

Le choix entre IR et IS dépend de plusieurs facteurs propres à chaque situation.

Le régime IR est généralement préférable pour les SCI familiales détenant leur résidence principale ou secondaire, les projets à long terme avec revente envisagée, ou les associés faiblement imposés souhaitant bénéficier du déficit foncier.

Le régime IS peut être adapté aux investissements locatifs à fort rendement avec réinvestissement des bénéfices, aux associés fortement imposés ne souhaitant pas percevoir immédiatement les revenus, ou aux projets sans perspective de revente à moyen terme.

Transmission du patrimoine via la SCI familiale

Donation de parts sociales

La SCI familiale constitue un outil privilégié de transmission patrimoniale. La donation de parts sociales permet de transmettre progressivement un patrimoine immobilier tout en bénéficiant des abattements fiscaux.

En ligne directe, chaque parent peut donner jusqu'à 100 000 euros par enfant tous les quinze ans sans droits de donation, conformément à l'article 779 du Code général des impôts. Un couple avec deux enfants peut ainsi transmettre 400 000 euros de parts tous les quinze ans en franchise totale de droits.

La valorisation des parts de SCI tient compte de l'actif net de la société, c'est-à-dire la valeur des immeubles diminuée des dettes (emprunts notamment). Une décote de 10 à 20 % peut être appliquée pour tenir compte de l'illiquidité des parts et de l'absence de contrôle pour les associés minoritaires.

Démembrement des parts sociales

Le démembrement de propriété des parts de SCI constitue une technique d'optimisation fiscale particulièrement efficace. Il consiste à séparer la pleine propriété en deux droits distincts.

L'usufruit confère le droit d'utiliser le bien et d'en percevoir les fruits (revenus locatifs, dividendes). L'usufruitier des parts de SCI perçoit les bénéfices distribués et dispose d'un droit de vote pour les décisions relatives à l'affectation des résultats.

La nue-propriété confère le droit de disposer du bien. Le nu-propriétaire des parts détient la qualité d'associé et dispose du droit de vote pour toutes les décisions autres que l'affectation des bénéfices. À l'extinction de l'usufruit, il devient automatiquement plein propriétaire.

Barème fiscal du démembrement

La valeur respective de l'usufruit et de la nue-propriété est déterminée par le barème de l'article 669 du Code général des impôts, en fonction de l'âge de l'usufruitier.

Pour un usufruitier âgé :

  • de moins de 21 ans, l'usufruit représente 90 % et la nue-propriété 10 %.
  • De 21 à 30 ans, l'usufruit vaut 80 % et la nue-propriété 20 %.
  • De 31 à 40 ans, les valeurs sont respectivement de 70 % et 30 %.
  • De 41 à 50 ans, elles sont de 60 % et 40 %.
  • De 51 à 60 ans, 50 % chacune.
  • De 61 à 70 ans, l'usufruit vaut 40 % et la nue-propriété 60 %.
  • De 71 à 80 ans, 30 % et 70 %.
  • De 81 à 90 ans, 20 % et 80 %.
  • Au-delà de 91 ans, l'usufruit ne représente plus que 10 % et la nue-propriété 90 %.

Avantages de la donation avec réserve d'usufruit

La donation de la nue-propriété des parts avec réserve d'usufruit au profit du donateur présente plusieurs avantages.

Les droits de donation sont calculés uniquement sur la valeur de la nue-propriété, et non sur la pleine propriété. Un donateur de 65 ans qui transmet des parts d'une valeur de 400 000 euros ne sera taxé que sur 240 000 euros (60 % de nue-propriété selon le barème).

Le donateur conserve l'usufruit et continue de percevoir les revenus locatifs ou les dividendes de la SCI. Il conserve également la maîtrise de la gestion courante via le droit de vote sur l'affectation des résultats.

Au décès de l'usufruitier, l'usufruit s'éteint automatiquement et le nu-propriétaire devient plein propriétaire sans aucune taxation supplémentaire, conformément à l'article 1133 du Code général des impôts.

Plus-values immobilières et SCI familiale

Plus-values à l'IR

Lorsque la SCI relève de l'impôt sur le revenu, la cession de l'immeuble ou des parts sociales est soumise au régime des plus-values immobilières des particuliers prévu aux articles 150 U et suivants du CGI.

La plus-value brute est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition, majoré forfaitairement de 7,5 % pour frais d'acquisition ou des frais réels justifiés. Le prix d'acquisition peut également être majoré du montant des travaux de construction, reconstruction ou amélioration, soit pour leur montant réel, soit forfaitairement à hauteur de 15 % du prix d'acquisition si le bien est détenu depuis plus de cinq ans.

Abattements pour durée de détention à l'IR

Des abattements progressifs s'appliquent en fonction de la durée de détention du bien.

Pour l'impôt sur le revenu au taux de 19 %, aucun abattement n'est applicable les cinq premières années. Un abattement de 6 % par an s'applique de la sixième à la vingt-et-unième année, puis de 4 % la vingt-deuxième année, aboutissant à une exonération totale après vingt-deux ans de détention.

Pour les prélèvements sociaux au taux de 17,2 %, l'abattement est de 1,65 % par an de la sixième à la vingt-et-unième année, 1,60 % la vingt-deuxième année, puis 9 % par an de la vingt-troisième à la trentième année. L'exonération totale est acquise après trente ans.

Plus-values à l'IS

À l'IS, la plus-value est calculée par différence entre le prix de cession et la valeur nette comptable du bien, c'est-à-dire le prix d'acquisition diminué des amortissements comptabilisés.

Cette plus-value est imposée au taux de droit commun de l'IS (25 % ou 15 % pour la fraction n'excédant pas 42 500 euros) sans aucun abattement pour durée de détention. La réintégration des amortissements dans la base imposable peut générer une charge fiscale significative lors de la cession.

Création d'une SCI familiale

Formalités de constitution

La création d'une SCI familiale implique plusieurs étapes.

La rédaction des statuts constitue la première étape essentielle. Les statuts définissent l'objet social, le montant du capital, la répartition des parts, les pouvoirs du gérant, les modalités de prise de décision et les conditions de cession des parts. Il est vivement recommandé de faire appel à un professionnel (notaire, avocat) pour rédiger des statuts adaptés aux objectifs poursuivis.

L'apport du capital peut être effectué en numéraire (somme d'argent) ou en nature (immeuble). L'apport d'un immeuble à une SCI peut générer une plus-value imposable au nom de l'apporteur si le bien a pris de la valeur depuis son acquisition.

L'immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) est obligatoire. Elle nécessite le dépôt des statuts signés, la publication d'un avis de constitution dans un journal d'annonces légales et le remplissage du formulaire de création d'entreprise.

Coûts de constitution

Les frais de création d'une SCI comprennent plusieurs postes.

Les honoraires de rédaction des statuts varient selon le professionnel choisi, généralement entre 1 000 et 3 000 euros pour des statuts sur mesure.

Les frais de publication dans un journal d'annonces légales représentent environ 150 à 250 euros.

Les frais de greffe pour l'immatriculation s'élèvent à environ 70 euros.

Si un immeuble est apporté, les droits d'enregistrement et les émoluments notariés viennent s'ajouter.

Obligations comptables et déclaratives

Une SCI familiale est soumise à des obligations comptables et déclaratives.

À l'IR, la SCI doit déposer chaque année une déclaration n° 2072 indiquant les revenus et charges de la société, ainsi que la répartition du résultat entre les associés. Chaque associé reporte ensuite sa quote-part sur sa déclaration personnelle de revenus.

À l'IS, la SCI est soumise aux obligations comptables des sociétés commerciales (tenue d'une comptabilité régulière, établissement de comptes annuels) et doit déposer une déclaration de résultats n° 2065.

Accompagnement par un avocat fiscaliste

La création et la gestion d'une SCI familiale nécessitent une analyse approfondie de votre situation patrimoniale, familiale et fiscale. Le choix entre le régime IR et IS, les modalités de transmission par donation et démembrement, ainsi que les clauses statutaires méritent un accompagnement personnalisé.

Un avocat fiscaliste peut vous aider à définir la structure la plus adaptée à vos objectifs, optimiser la fiscalité de votre investissement immobilier et préparer la transmission de votre patrimoine dans les meilleures conditions.

Vos questions les plus fréquentes (FAQ)