Impacts fiscaux des nouvelles mesures BEPS de l’OCDE : enjeux, exemples concrets et stratégies à connaître

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F. Germain AMOUZOUVI-DOVO
Juriste fiscaliste chez LexaNova
📅 11/07/2025 ⏱️ 8 min de lecture 🌍 Fiscalite Internationale
Impacts fiscaux des nouvelles mesures BEPS de l’OCDE : enjeux, exemples concrets et stratégies à connaître

📋 Résumé de l'article

Découvrez les effets concrets des mesures BEPS 2.0 de l’OCDE (impôt minimum mondial, Pilier 2) pour les multinationales : contexte légal, obligations, calculs, cas pratique, risques et pistes d’optimisation. Analyse adaptée aux dirigeants et financiers.

Quels sont les impacts fiscaux des nouvelles mesures BEPS de l’OCDE ?

Introduction : la révolution fiscale internationale en marche

95 % des groupes internationaux dépassant 750 millions d’euros de chiffre d’affaires ont vu leurs obligations et leur taux effectif d’imposition évoluer depuis l’introduction du Pilier 2 OCDE en Europe en 2024. La montée en puissance de l’impôt minimum mondial bouleverse la stratégie fiscale des entreprises, qui doivent faire face à de nouvelles contraintes administratives et à une conformité renforcée. Deux questions majeures s'imposent aujourd’hui : mon groupe est-il concerné par BEPS 2.0 et comment se conformer au calcul de la « top-up tax » ? Quelles obligations déclaratives pèsent désormais sur les sociétés en France ?
Ces enjeux, devenus incontournables dans le quotidien des directions financières, doivent être compris pour sécuriser la fiscalité d’un groupe et anticiper les contrôles à venir.

BEPS 2.0 et la fiscalité internationale : nouvelles règles, nouvel équilibre

La réforme BEPS (« Base Erosion and Profit Shifting ») portée par l’OCDE vise à lutter contre l’érosion de la base taxable et le transfert artificiel de profits. Ce plan, amorcé dès 2015, a connu une accélération décisive avec l’introduction du Pilier 2 (BEPS 2.0), instaurant un impôt minimum mondial. Elle s’adresse d’abord aux groupes multinationaux dont le chiffre d’affaires consolidé excède 750 millions d’euros – seuil désormais repris par la plupart des législations nationales.

En France, la transposition de ces mesures par l'Ordonnance n° 2023-1196 du 20 décembre 2023 (issue de la directive européenne) organise l'adoption du Pilier 2. L’administration fiscale s’appuie sur la doctrine BOFiP-IS-GPE-20-20-20240626 du 26 juin 2024. Ces références, combinées au respect du Code général des impôts (notamment, articles 209, 209 B et suivants du CGI sur l’imposition des sociétés et filiales étrangères), imposent pour la première fois un taux effectif plancher – 15 % – par pays, sur une base mondiale, via le mécanisme dit de « top-up tax » (règle GloBE).

Les principaux axes de la réforme sont :

  • Impôt minimum mondial (Pilier 2, règle GloBE) : l’écart entre l’impôt payé dans chaque pays et le seuil de 15 % est comblé par une taxe complémentaire.
  • Reporting pays par pays (CbCR) : chaque entité du groupe se voit imposer des obligations de déclaration détaillée, ce qui accroît la charge administrative mais offre une transparence accrue aux autorités fiscales.
  • Contrôle renforcé des prix de transfert : la substance économique doit désormais primer sur la simple formalisation juridique, rendant plus difficile la localisation stratégique des bénéfices.
  • Restriction des déductions d’intérêts et anti-hybrid rules : nouvelles limites à la déductibilité fiscale des intérêts (issues également de la directive ATAD 3) et neutralisation des dispositifs hybrides pour éviter la double non-imposition.
  • Règles anti-abus et élargissement de la notion d’établissement stable : les montages sans substance économique ou sans présence physique réelle sont désormais taxés, notamment via le Principal Purpose Test.

Pour les entreprises, l’enjeu est double : risque accru de rehaussement fiscal en cas d’écart et évolution majeure des obligations documentaires, surtout en France où la documentation GloBE s’ajoute à celle des prix de transfert classique.

Cas d’application : quand le Pilier 2 OCDE devient réalité pour un groupe international

Lauriane Martin, directrice financière d’HexaMob, filiale française d’un groupe technologique présent dans 11 pays et réalisant 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires, doit affronter la nouvelle donne : certaines filiales, en Irlande et Luxembourg, y bénéficient d’impôts effectifs entre 7 % et 10 %. HexaMob, elle, affiche en France un IS à 25 %. Quelles conséquences depuis 2024 ?

Par la règle GloBE, tout groupe franchissant le seuil BEPS 2.0 (plus de 750 millions d’euros de CA mondial) doit vérifier le taux effectif d’imposition de chaque entité. Si, dans un État (par exemple l’Irlande), ce taux est inférieur à 15 %, une « top-up tax » devra être acquittée à hauteur de la différence.

Exemple : la filiale irlandaise réalise 12 millions d’euros de bénéfices et paie 1,2 million d’euros d’impôt (10 %, inférieur au minimum requis). Le calcul GloBE s’opère ainsi :

  • Taux d’impôt requis : 12 M€ x 15 % = 1,8 M€
  • Impôt payé : 1,2 M€
  • Différentiel : 1,8 – 1,2 = 600 000 € de top-up tax

Le montant complémentaire est généralement recouvré dans le pays de la société mère (ici, la France), via l’Income Inclusion Rule (IIR). HexaMob devra également produire une déclaration annuelle GloBE sur l’espace professionnel impots.gouv.fr, avec justification des calculs et équivalences fiscales pays par pays.

Ce mécanisme ne se limite pas à HexaMob : toute entreprise dépassant le seuil mondial doit désormais intégrer les nouvelles mesures dans sa gestion fiscale, en tenant compte des différences de traitement selon les juridictions, des crédits d'impôt locaux et des éventuels contentieux à anticiper.

Risques, points de vigilance et écueils courants face à la réforme BEPS 2.0

L’application du Pilier 2 induit de nombreux points d’attention stratégiques :

  • Erreurs de calcul du taux effectif : Oublier certains types d’impôts, ne pas comptabiliser correctement les crédits d’impôt ou les taxes assimilées risque d’entrainer un rehaussement ou une double imposition.
  • Documentation incomplète ou inexacte : l’absence d’éléments probants sur la répartition des profits, la nature des flux intragroupe ou le détail pays par pays expose à un rejet du calcul et à des amendes, conformément à la doctrine BOFiP (IS-GPE-20-20-20240626).
  • Sous-estimer la charge administrative : le reporting GloBE exige une implication importante des équipes financières et fiscales. Les délais de dépôt, notamment pour la déclaration annuelle (généralement dans les 12 mois suivant la clôture de l’exercice), sont impératifs.
  • Risques de contentieux internationaux : la coopération entre administrations fiscales s’accroît (partage d’informations, remises en cause de ‘rulings’ locaux) : vigilance particulière sur les politiques de prix de transfert et les structures hybrides.

Ne pas se conformer peut entraîner un redressement, des sanctions (pécuniaires et réputationnelles) et, dans les cas extrêmes, l’exclusion des avantages de certains traités fiscaux internationaux.

Optimisation et adaptation : stratégies pour intégrer BEPS 2.0 dans sa gestion fiscale

Face à ces bouleversements, les directions financières doivent repenser leur stratégie :

  • Analyse préalable de l’exposition groupe : cartographier tous les taux effectifs pays par pays, en tenant compte des spécificités (crédits d’impôt, dispositifs locaux, coûts de financement, etc.).
  • Reporting et documentation : anticiper les nouvelles charges administratives par la mise en œuvre d’outils de reporting fiscal dédiés, alignés sur la doctrine administrative française (BOI-IS-GPE-20-20-20240626).
  • Optimisation de la structure des flux intragroupes : adapter les politiques de prix de transfert pour répondre à l’exigence renforcée de substance économique du Pilier 2 – intégrer la question de la ‘substance locale’ dans la stratégie d’investissement.
  • Sécurisation juridique et fiscale : privilégier des structures transparentes et robustes, éviter toute logique visant exclusivement à profiter de régimes de faveur (application du Principal Purpose Test et restriction des dispositifs hybrides).

Enfin, une veille constante sur l’évolution des BOFiP et des lois de finances sera nécessaire : la réglementation européenne continue d’évoluer (directive ATAD 3 attendue sur la lutte contre les sociétés écran).

Conclusion : préparer son groupe à la nouvelle donne fiscale internationale

BEPS 2.0 impose une gestion plus rigoureuse, une anticipation accrue des obligations déclaratives et des risques renforcés de contrôle. Le pilotage fiscal nécessite de s’approprier ces nouvelles règles, de renforcer les processus internes de reporting, et d’anticiper tout différend avec les administrations fiscales locales. Le recours à un avocat fiscaliste international référencé sur une plateforme comme Lexanova permet de fiabiliser ses démarches et de mitiger les risques, dans le respect du cadre légal en vigueur.

Foire aux questions – FAQ

  • Qu’est-ce que le Pilier 2 de l’OCDE ?
    C’est la règle de l’impôt minimum mondial visant à imposer tous les profits des grands groupes à au moins 15 %, quel que soit le pays d’implantation.
  • Quel est le taux de l’impôt minimum mondial ?
    Le taux effectif fixé dans le cadre BEPS 2.0 est de 15 % sur les profits.
  • Quelles entreprises sont soumises à cet impôt ?
    Celles dont le chiffre d’affaires consolidé mondial dépasse 750 millions d’euros.
  • Comment la France a-t-elle transposé le Pilier 2 ?
    Par l’Ordonnance n° 2023-1196 du 20 décembre 2023, intégrée au CGI et précisée dans le BOFiP (BOI-IS-GPE-20-20-20240626).
  • Quel est le calendrier d’application ?
    L’impôt minimum est en vigueur pour les exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023 (soit première application dès 2024).

L’essentiel à retenir

La réforme BEPS 2.0 rebat profondément les cartes de la fiscalité internationale des multinationales : impôt minimum mondial à 15 %, renforcement de la collaboration entre les administrations fiscales, alourdissement des obligations déclaratives. Le contrôle accru de la substance économique des entités et la neutralisation des montages hybrides limitent significativement les stratégies d’optimisation classiques.
Pour s’adapter, il importe : de cartographier les taux effectifs pays par pays, de déployer des dispositifs robustes de reporting fiscal, de se préparer à la production de la documentation exigée (GloBE) et à l’éventuel paiement d’une « top-up tax ». Enfin, aucun dispositif n’étant universel, la consultation d’un avocat fiscaliste demeure la meilleure garantie pour sécuriser vos démarches et arbitrages stratégiques.

⚠️ Important

Cet article est fourni à des fins d'information uniquement. Pour des conseils fiscaux personnalisés adaptés à votre situation, consultez un avocat fiscaliste.

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