L'opposition à un contrôle fiscal par le fait d'un tiers peut entraîner de lourdes conséquences pour le contribuable. Par une décision du 1er juillet 2025, le Conseil d'État a précisé les implications d'une telle situation, notamment lorsque l'opposition est le fait du détenteur d'un faux mandat de représentation.

L'analyse de cette décision révèle la position de la haute juridiction sur la régularité de la procédure fiscale menée par l'administration et sur l'application des sanctions.

Le contexte de l'affaire

Un contribuable exerçant une activité de vente ambulante a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. Il avait communiqué à l'administration fiscale une adresse de correspondance, celle d'une société de domiciliation.

Un employé de cette société s'est présenté aux vérificateurs muni d'un mandat de représentation, qui s'est avéré par la suite être un faux.

Cet individu, après une première absence, s'est abstenu de fournir les documents comptables et de répondre aux demandes de l'administration. Face à cette situation, l'administration a considéré qu'elle se trouvait face à une opposition à contrôle fiscal.

Elle a donc mis en œuvre la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales (LPF) et a appliqué la majoration de 100 % pour opposition à contrôle fiscal, conformément à l'article 1732 du code général des impôts (CGI).

Le contribuable, qui n'a découvert la manœuvre qu'à l'issue du contrôle, a contesté la régularité de la procédure et le bien-fondé des pénalités. Le Conseil d'État a dû se prononcer sur trois points principaux : la régularité de la vérification, la validité du recours à l'évaluation d'office et l'application de la majoration de 100 %.

Analyse de la décision du Conseil d'État

La décision de la haute juridiction administrative apporte des éclaircissements importants sur la manière dont l'administration doit réagir face à un représentant qui fait obstruction, même lorsque son mandat est frauduleux.

Sur la régularité de la vérification de comptabilité

Le premier argument soulevé par le contribuable portait sur le lieu du contrôle. La vérification de comptabilité s'est déroulée dans les locaux de l'administration et non dans ceux de l'entreprise, sur demande du faux représentant.

Le Conseil d'État rappelle que si une vérification doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise, elle peut se tenir en un autre lieu d'un commun accord.

Dans ce cas, le faux mandataire avait demandé que le contrôle se tienne dans les locaux du service, arguant que le contribuable ne disposait ni de locaux professionnels ni d'un domicile stable.

La haute juridiction juge que cette délocalisation n'a privé le contribuable d'aucune garantie procédurale, notamment celle du débat oral et contradictoire.

Par conséquent, la circonstance que le mandat se soit révélé être un faux est sans incidence sur la régularité de la vérification de comptabilité. La procédure menée par l'administration est donc jugée valide sur ce point.

Sur le recours à la procédure d'évaluation d'office

L'administration fiscale a eu recours à l'évaluation d'office, une procédure qui lui permet de déterminer elle-même les bases d'imposition lorsque le contrôle est rendu impossible par le contribuable ou un tiers.

Le Conseil d'État valide cette approche. Il constate que l'administration, malgré ses diligences, s'est trouvée dans l'impossibilité de mener le contrôle en raison du comportement du faux représentant.

L'abstention de produire les documents nécessaires et de répondre aux sollicitations caractérise une opposition à contrôle fiscal au sens de l'article L. 74 du LPF.

Le fait que le mandat de représentation ait été frauduleux ne remet pas en cause cette qualification. L'administration était donc en droit de mettre en œuvre la procédure d'évaluation d'office pour reconstituer le chiffre d'affaires du contribuable.

Sur l'application de la majoration de 100 %

Le point le plus significatif de la décision concerne l'application de la majoration de 100 % pour opposition à contrôle fiscal. Sur ce point, le Conseil d'État adopte une position protectrice du contribuable de bonne foi.

Il relève que le contribuable n'a eu connaissance de la manœuvre frauduleuse de son faux représentant qu'à la fin de la procédure.

Cette manœuvre a eu pour effet de détourner l'ensemble des courriers que l'administration lui adressait à la seule adresse qu'il avait communiquée. L'instruction a par ailleurs montré que le contribuable n'avait pas non plus pris connaissance des courriers envoyés par l'administration à la mairie de sa commune de rattachement.

Dans ces circonstances, le Conseil d'État juge qu'aucun agissement personnel constitutif d'une opposition au contrôle ne peut être reproché au contribuable.

Par conséquent, l'administration n'était pas fondée à lui infliger la majoration de 100 % prévue par l'article 1732 du CGI. La pénalité est donc annulée, alors même que la procédure de redressement est validée.

Conclusion et implications

La décision du Conseil d'État du 1er juillet 2025 établit une distinction claire entre la validité de la procédure fiscale et l'imputabilité des sanctions.

Il en résulte que lorsqu'un contribuable est victime des agissements d'un tiers se présentant faussement comme son représentant, la procédure de contrôle et de redressement menée par l'administration demeure régulière. L'administration peut légitimement recourir à l'évaluation d'office si ce tiers fait obstruction au contrôle.

Cependant, la sanction pécuniaire de 100 % pour opposition à contrôle fiscal ne peut être appliquée au contribuable que si sa participation personnelle à l'opposition est établie.

Un contribuable trompé par un tiers, et qui n'a pas eu connaissance des demandes de l'administration, ne peut être sanctionné sur ce fondement. Cette solution protège le contribuable de bonne foi contre les conséquences des manœuvres frauduleuses d'un tiers.

Pour les entreprises et les particuliers, cette décision souligne l'importance cruciale de choisir avec soin ses représentants et de s'assurer de la bonne réception des correspondances administratives.

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