Amendement Charasse : Précisions du Conseil d'État
Analyse de la décision du Conseil d'État sur l'amendement Charasse (Aff. Lilas France), clarifiant le calcul de la réintégration des charges financières
Analyse de la décision du Conseil d'État sur l'amendement Charasse (Aff. Lilas France), clarifiant le calcul de la réintégration des charges financières
Dans une décision rendue le 28 octobre 2025 (N° 502486, Sté Lilas France), le Conseil d'État a apporté des éclaircissements importants sur l'application du mécanisme de réintégration des charges financières connu sous le nom d'« amendement Charasse ».
Cette décision, qui rejette le renvoi d'une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), précise les modalités de calcul de la réintégration, notamment en ce qui concerne la déduction des fonds issus d'une augmentation de capital.
Cet article détaille la portée de cet arrêt et ses conséquences pour les groupes fiscalement intégrés.
La société Lilas France a soulevé une QPC contestant la constitutionnalité de certaines dispositions de l'article 223 B du Code Général des Impôts (CGI). Ce texte vise à neutraliser la déduction de charges financières lorsqu'une société d'un groupe intégré est rachetée à ses propres actionnaires ou à des entités contrôlées par ces derniers.
Ce mécanisme, dit « amendement Charasse », prévient ce qui est perçu comme un « achat à soi-même » financé par l'emprunt.
Le litige portait sur le calcul de la fraction des charges à réintégrer. Plus précisément, il concernait la détermination du numérateur du ratio, qui correspond au prix d'acquisition des titres. La loi prévoit que ce prix peut être réduit du montant des fonds apportés lors d'une augmentation de capital réalisée simultanément à l'acquisition.
Le Conseil d'État a statué sur deux points principaux :
L'amendement Charasse, codifié à l'article 223 B du CGI, a pour objet d'éviter un cumul d'avantages fiscaux. Lorsqu'une société mère s'endette pour acquérir une filiale auprès de ses propres actionnaires afin de l'intégrer fiscalement, ce dispositif impose la réintégration d'une partie des charges financières du groupe. Cette réintégration est calculée de manière forfaitaire.
Le montant à réintégrer est obtenu en appliquant un ratio aux charges financières totales du groupe. Ce ratio est le suivant :
La loi prévoit un tempérament : le prix d'acquisition (numérateur) peut être réduit du montant des fonds apportés à la société acquéreuse via une augmentation de capital simultanée, sous certaines conditions.
La décision clarifie un point technique mais essentiel. L'administration fiscale et la cour administrative d'appel avaient retenu une approche restrictive. Elles considéraient que seule la part de l'augmentation de capital spécifiquement "affectée" au financement de l'acquisition litigieuse pouvait être déduite du prix d'acquisition.
Le Conseil d'État censure cette interprétation. Il juge qu'il résulte des dispositions, dont l'objet est de déterminer de façon forfaitaire la part des charges financières à réintégrer, que la loi ne subordonne pas cette imputation à une condition d'affectation. Autrement dit, la totalité du montant de l'augmentation de capital réalisée simultanément doit venir en déduction du prix d'acquisition, même si d'autres acquisitions sont réalisées en parallèle auprès de tiers non liés.
Cette solution est fidèle à l'esprit du législateur, qui a délibérément choisi une méthode forfaitaire pour éviter la complexité liée à la traçabilité des flux de financement. L'introduction d'une condition d'affectation par le juge reviendrait à dénaturer ce choix en réintroduisant une logique « au réel » que le texte cherchait à écarter.
La société Lilas France soulevait deux griefs d'inconstitutionnalité, fondés sur la rupture du principe d'égalité devant la loi et les charges publiques.
Le premier grief concernait la différence de traitement entre les financements par augmentation de capital en numéraire et les opérations d'apport de titres. La société estimait que le prix d'acquisition devrait aussi pouvoir être réduit de la valeur des titres apportés en nature.
Le Conseil d'État écarte cet argument, relevant que le mécanisme ne vise que les achats générant des charges financières, ce qui n'est pas le cas des apports en nature rémunérés par des titres. Le critère retenu par le législateur est donc jugé objectif et rationnel.
Le second grief était soulevé à titre subsidiaire : si la loi devait être interprétée comme exigeant une affectation des fonds de l'augmentation de capital, elle créerait une rupture d'égalité. Le Conseil d'État écarte ce grief en retenant une interprétation de la loi qui exclut précisément cette condition d'affectation. La question de l'inconstitutionnalité de cette interprétation devient donc sans objet.
En jugeant que l'intégralité des fonds issus d'une augmentation de capital simultanée doit être imputée sur le prix d'acquisition, sans rechercher leur affectation, le Conseil d'État réaffirme la nature purement forfaitaire du dispositif. Cette approche a le mérite de la simplicité et de la prévisibilité juridique.
Elle s'oppose à la vision de l'administration, qui tendait à réintroduire une logique anti-abus en recherchant la finalité économique des fonds. Le Conseil d'État rappelle que l'amendement Charasse n'est pas une disposition anti-abus, mais une règle d'assiette visant à corriger les effets d'un cumul d'avantages fiscaux, comme l'a d'ailleurs reconnu le Conseil constitutionnel dans une décision antérieure (n° 2018-701 QPC).
La décision Lilas France constitue une clarification bienvenue pour les praticiens du droit fiscal. En censurant l'exigence d'une condition d'affectation des fonds issus d'une augmentation de capital, le Conseil d'État sécurise le calcul de la réintégration des charges financières dans le cadre de l'amendement Charasse.
Il confirme que la méthode d'évaluation est strictement forfaitaire, ce qui limite le pouvoir d'interprétation de l'administration fiscale et offre une meilleure visibilité aux entreprises réalisant des opérations de restructuration au sein de groupes intégrés. Les groupes concernés devront examiner attentivement les modalités de financement de leurs acquisitions pour optimiser l'application de ce dispositif.
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