Vous êtes dirigeant d'entreprise et vous vous interrogez sur la meilleure façon d'organiser vos revenus ? L'arbitrage entre rémunération et dividendes est une décision stratégique qui influence directement votre trésorerie personnelle, votre protection sociale et la santé financière de votre société.

Comprendre les mécanismes fiscaux et sociaux qui régissent ces deux modes de revenus est donc une étape incontournable pour tout entrepreneur souhaitant piloter sa situation avec finesse et efficacité.

Cet article a été conçu pour vous guider à travers les complexités de la fiscalité des dividendes. Nous allons décortiquer ensemble les régimes d'imposition, analyser l'impact déterminant de votre statut social, et vous présenter des stratégies concrètes pour construire une politique de revenus intelligente et fiscalement optimisée.

Comprendre la fiscalité des dividendes : PFU ou barème progressif ?

Les dividendes correspondent à la part des bénéfices qu'une société décide de distribuer à ses actionnaires ou associés. Contrairement à une rémunération de dirigeant, qui rétribue un travail effectif, les dividendes rémunèrent le capital investi.

Cette distinction est fondamentale, car elle entraîne un régime fiscal et social entièrement différent.

Depuis 2018, les dividendes perçus par une personne physique sont soumis par défaut à un mécanisme d'imposition en deux temps, aboutissant à une taxation globale de 30 %.

1. Le Prélèvement Forfaitaire Non Libératoire (PFNL)

Au moment de leur versement, les dividendes font l'objet d'un prélèvement à la source de 12,8 %. Ce prélèvement, effectué par la société distributrice, n'est pas libératoire de l'impôt sur le revenu ; il agit comme un acompte.

2. L'imposition définitive : le Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) ou "Flat Tax"

L'année suivante, lors de votre déclaration de revenus, ces dividendes sont soumis au Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU), aussi connu sous le nom de "Flat Tax". Le PFU global est de 30 %, se décomposant comme suit :

  • 12,8 % au titre de l'impôt sur le revenu (l'acompte déjà prélevé).
  • 17,2 % au titre des prélèvements sociaux (CSG, CRDS, etc.).

Ce système offre l'avantage de la simplicité et de la prévisibilité. Le taux est fixe, indépendamment du montant de vos autres revenus. Il est particulièrement avantageux pour les dirigeants dont le Taux Marginal d'Imposition (TMI) est égal ou supérieur à 30 %.

L'alternative : l'option pour le barème progressif

Le PFU est le régime de droit commun, mais il n'est pas obligatoire. Vous pouvez y renoncer et opter pour l'imposition de vos dividendes au barème progressif de l'impôt sur le revenu. Cette option est globale : elle s'applique à l'ensemble de vos revenus de capitaux mobiliers et plus-values de l'année.

Choisir cette option vous donne droit à deux avantages significatifs :

  1. Un abattement de 40 % sur le montant brut des dividendes. Seuls 60 % des sommes perçues sont donc intégrés à votre revenu imposable et soumis au barème progressif.
  2. Une CSG déductible à hauteur de 6,8 % du revenu imposable l'année suivante.

Attention, les 17,2 % de prélèvements sociaux restent dus sur le montant brut des dividendes, avant l'abattement de 40 %.

L'option pour le barème progressif est souvent judicieuse si votre TMI est de 0 % ou 11 %. Pour un TMI de 30 %, une simulation précise est nécessaire pour déterminer le choix le plus rentable.

L'impact crucial du statut social sur l'imposition des dividendes

La fiscalité des dividendes ne peut être analysée sans prendre en compte le statut social du dirigeant. La distinction principale se fait entre les dirigeants assimilés-salariés et les travailleurs non-salariés (TNS).

Le cas du dirigeant assimilé-salarié (Président de SAS/SASU, gérant minoritaire de SARL)

Pour un président de SAS ou un gérant minoritaire de SARL, le régime est clair : la totalité des dividendes perçus est exclue de l'assiette des cotisations sociales. Ils sont uniquement soumis aux prélèvements sociaux de 17,2 % (inclus dans le PFU de 30 %).

Cette absence de cotisations sociales rend les dividendes particulièrement attractifs en comparaison d'une rémunération de dirigeant, qui supporte des charges salariales et patronales pouvant représenter jusqu'à 80 % du salaire net.

C'est pourquoi de nombreux présidents de SAS optent pour une rémunération modérée, complétée par un versement de dividendes.

Le cas du dirigeant travailleur non-salarié (Gérant majoritaire de SARL)

La situation est radicalement différente pour le gérant majoritaire de SARL. Pour éviter les arbitrages consistant à minimiser la rémunération au profit de dividendes non soumis à cotisations, la loi a instauré un régime spécifique.

La part des dividendes qui excède 10 % du total formé par le capital social, les primes d'émission et les sommes versées en compte courant d'associé est réintégrée dans l'assiette des cotisations sociales des travailleurs indépendants (environ 45 %).

  • La fraction des dividendes inférieure ou égale à ce seuil de 10 % reste soumise aux prélèvements sociaux de 17,2 %.
  • La fraction des dividendes supérieure à ce seuil est assujettie aux cotisations sociales TNS.

Il est important de noter que la totalité des dividendes (les deux fractions) reste ensuite soumise à l'impôt sur le revenu (PFU ou barème progressif). Cependant, la part assujettie aux cotisations sociales TNS est exonérée des prélèvements sociaux de 17,2 %. De plus, la CSG payée au titre des cotisations sociales est partiellement déductible du revenu imposable.

Exemple pratique : Gérant majoritaire de SARL

Un gérant majoritaire détient une SARL au capital de 30 000 €. Son compte courant d'associé s'élève à 20 000 €. Il décide de se verser 40 000 € de dividendes.

  1. Calcul du seuil de 10 % :
    (30 000 € de capital + 20 000 € de compte courant) x 10 % = 5 000 €

Répartition des dividendes :

  • Fraction 1 : 5 000 € seront soumis aux prélèvements sociaux de 17,2 %.
  • Fraction 2 : 35 000 € (40 000 € - 5 000 €) seront soumis aux cotisations sociales des indépendants (environ 45 %).

Imposition à l'impôt sur le revenu :

L'ensemble des 40 000 € est ensuite imposé, par exemple au PFU. L'impôt sera de 40 000 € x 12,8 % = 5 120 €.

Cette mécanique complexe rend l'arbitrage en SARL beaucoup moins évident qu'en SAS.

Stratégies d'optimisation : au-delà du simple calcul fiscal

Optimiser la distribution de vos dividendes ne se résume pas à minimiser l'impôt à court terme. C'est une démarche globale qui doit intégrer vos objectifs personnels, votre besoin de protection sociale et la stratégie de développement de votre entreprise.

1. L'arbitrage rémunération / dividendes : un équilibre à trouver

La meilleure stratégie est rarement "tout ou rien". Elle consiste à trouver un équilibre entre une rémunération de dirigeant et une distribution de dividendes.

  • La rémunération vous offre une protection sociale indispensable : elle valide des trimestres pour votre retraite, ouvre des droits aux indemnités journalières en cas de maladie, et peut vous couvrir via une prévoyance collective. Elle constitue également une charge déductible pour l'entreprise, réduisant ainsi son impôt sur les sociétés (IS). L'article 39 du CGI précise que pour être déductible, cette rémunération doit correspondre à un travail effectif et ne pas être excessive.
  • Les dividendes complètent vos revenus avec une fiscalité souvent plus avantageuse, surtout en SAS. Cependant, ils ne génèrent aucun droit social.

En pratique :

  • Pour un président de SAS : Une stratégie courante est de se fixer une rémunération suffisante pour valider 4 trimestres de retraite (soit environ 6 762 € bruts en 2024) et de compléter ses revenus avec des dividendes.
  • Pour un gérant de SARL : L'arbitrage est plus fin. Il faut comparer le coût total (impôt + charges/cotisations) d'une augmentation de rémunération par rapport à celui d'un versement de dividendes supplémentaire, en tenant compte du seuil des 10 %. L'Urssaf a mis en place un simulateur très pertinent que vous pouvez utiliser.

2. Maîtriser le seuil de 10 % en SARL

Pour le gérant majoritaire de SARL, l'un des principaux leviers d'optimisation est d'augmenter le seuil de 10 %. Deux méthodes sont possibles :

  • Augmenter le capital social : Cette opération renforce les fonds propres de l'entreprise mais nécessite des formalités juridiques.
  • Diminuer les apports en compte courant d'associé : C'est la solution la plus simple. En déposant des fonds personnels sur le compte courant, vous augmentez mécaniquement la base de calcul du seuil. Cette stratégie suppose cependant que vous disposiez de la trésorerie nécessaire et que vous acceptiez de l'immobiliser dans l'entreprise.

3. Le recours à une société holding : une vision patrimoniale

Pour les dirigeants qui souhaitent structurer efficacement leur patrimoine, la création d’une société holding constitue une stratégie clé aux multiples dimensions. La holding peut être constituée sous forme de SASU, d’EURL ou d’autres formes sociétales, offrant ainsi une grande souplesse d’organisation.

Il est fréquent que la holding soit désignée présidente ou dirigeante de la société d’exploitation (par exemple une SAS d’exploitation), permettant au dirigeant de centraliser à ce niveau-là sa rémunération directe, indépendamment du flux de dividendes.

Ce montage permet de bénéficier du régime fiscal "mère-fille" : les dividendes versés par la société d’exploitation (« filiale ») à la holding (« mère ») sont exonérés d’impôt sur les sociétés à hauteur de 95 %, seule une quote-part de frais et charges de 5 % devant être réintégrée et taxée à l’IS.

Cela maximise la remontée de trésorerie tout en limitant la pression fiscale immédiate, ce qui donne à la holding une capacité importante de réinvestissement, que ce soit dans de nouveaux projets, l’immobilier, ou l’acquisition de sociétés.

Les avantages concrets de ce schéma sont les suivants :

  • Optimisation de la rémunération : Lorsque la holding perçoit la trésorerie sous forme de dividendes, elle peut ensuite salarier le dirigeant quand il le souhaite (notamment en SASU ou EURL), arbitrant ainsi année après année entre rémunération et dividendes selon sa situation personnelle et sa fiscalité globale.
  • Rôle de l’animation et conventions de management fees : Pour que ce schéma soit reconnu et sécurisé, il est fondamental que la holding soit véritablement « animatrice » de la filiale, c’est-à-dire qu’elle fournisse des prestations réelles (stratégie, gestion, services administratifs…). La mise en place de conventions de management fees entre la holding et la filiale, dûment valorisées, est indispensable. Cela suppose d’être accompagné par un avocat fiscaliste afin de documenter la réalité des missions et d’éviter tout redressement pour prestations fictives.
  • Présidence et gouvernance : La holding peut assurer les fonctions de dirigeant de la société d’exploitation (président d’une SAS, par exemple), renforçant la centralisation du pouvoir stratégique et des flux financiers.
  • Sécurisation et anticipation des cessions : En cas de volonté de céder l’activité opérationnelle, la détention des titres au niveau de la holding facilite la cession de la filiale tout en gardant la capacité de réemployer le capital pour d’autres investissements, ou d’organiser une transmission progressive à ses enfants.
  • Souplesse d’investissement : Une holding disposant de trésorerie peut effectuer des placements ou procéder à des acquisitions diversifiées, ce qui offre au dirigeant un levier pour capitaliser sur les opportunités du marché.

⚠️ Points de vigilance : L’actualité fiscale met en lumière un nouveau projet de loi qui vise à taxer plus lourdement les trésoreries dormantes dans les holdings patrimoniales, c’est-à-dire la trésorerie non activement réinvestie. Ce risque doit être intégré lors de la structuration de ce type de schéma : il sera essentiel d’anticiper l’usage de la trésorerie pour éviter une taxation accrue à l’avenir.

Cette stratégie, performante et adaptable, doit impérativement être un montage sur-mesure et sécurisée juridiquement. L’accompagnement d’un avocat fiscaliste est recommandé pour la conception des conventions de prestation et tout au long de la vie du groupe.

Une holding bien structurée permet non seulement d’optimiser la rémunération du dirigeant (notamment en cas de holding EURL et société d’exploitation SAS), mais aussi d’assurer la flexibilité nécessaire pour investir, arbitrer, préparer la cession ou la transmission, dans un cadre fiscal et légal maitrisé.

Ce type de structure, s’il est judicieusement articulé et animé, représente aujourd’hui l’un des outils les plus pertinents pour piloter long terme son patrimoine professionnel et personnel.

Vos questions les plus fréquentes (FAQ)