La retraite n’est pas une question secondaire pour un dirigeant : elle fait partie intégrante de la gestion de votre patrimoine et de votre avenir financier.
Or, préparer ce passage exige d’anticiper bien en amont, tant pour sécuriser votre niveau de vie futur que pour optimiser l’impact fiscal des solutions mises en place au fil de votre carrière de chef d’entreprise.
Dans cet article, nous vous guidons à travers les leviers clefs d’optimisation, de la constitution d'une épargne retraite aux stratégies fiscales sur la cession d'entreprise.
1. Pourquoi la préparation à la retraite du dirigeant est-elle si spécifique ?
Le dirigeant, qu’il soit travailleur non salarié (TNS), gérant majoritaire ou président de SAS, ne bénéficie pas du même tissu de protection sociale qu’un salarié classique. Les régimes obligatoires (sécurité sociale des indépendants, régimes complémentaires…) ne couvrent généralement qu’une fraction de vos revenus antérieurs.
Pour compléter vos droits, il est essentiel de bâtir une stratégie qui s’appuie :
- sur les dispositifs d’épargne retraite individuels et collectifs,
- sur l’optimisation de la fiscalité de la cession d’entreprise,
- sur des placements adaptés à vos objectifs (capital, transmission).
L’intérêt d’une anticipation précoce
Plus le dirigeant commence tôt à constituer son épargne, plus l’effort est lissé dans le temps, et moins la fiscalité finale est lourde grâce aux effets de la capitalisation et à la gestion des abattements.
2. Les outils d’épargne retraite pour le chef d’entreprise
2.1. Le Plan d’Épargne Retraite (PER) : la référence actuelle
Depuis l’entrée en vigueur de la loi Pacte, le PER a remplacé PERP, Madelin, Perco et Article 83. Trois volets existent :
- PER individuel (« PERin »),
- PER d’entreprise collectif (PERECO),
- PER d’entreprise obligatoire (PERO).
Atouts fiscaux du PER :
- Les versements volontaires sont déductibles du revenu imposable, avec des plafonds spécifiques (voir CGI art. 163 quatervicies).
- À la retraite, la sortie en capital ou en rente est possible. Le capital est soumis au barème de l’impôt ou au prélèvement forfaitaire, la rente à l’impôt sur le revenu après abattement (CGI art. 158, 3°).
Exemple pratique
Isabelle, dirigeante de SARL, verse 12 000€ sur son PER en 2023. Son bénéfice imposable est de 100 000€. Grâce à son TMI de 41 %, elle économise 4 920 € d’impôt. L’effort d’épargne réel est donc de 7 080 €.
À la retraite, elle choisira librement entre une sortie en capital ou en rente selon ses besoins.
2.2. Les dispositifs collectifs : PERO, Article 83
L’Article 83 du CGI permet à une entreprise de mettre en place une retraite supplémentaire pour ses salariés et dirigeants assimilés.
Les cotisations employeur sont déductibles du résultat fiscal et exonérées de charges sociales dans certaines limites (CGI art. 83).
Pour le dirigeant, cela offre un complément de retraite fiscalement optimisé, versée en rente à la sortie.
3. Céder son entreprise : comment alléger la fiscalité pour sa retraite ?
La vente de l'entreprise constitue bien souvent l’opération clef pour constituer un capital-retraite conséquent. L’imposition sur la plus-value de cession peut cependant représenter une charge importante et inattendue sans préparation.
3.1. L’apport-cession (CGI art. 150-0 B ter)
Ce dispositif vous permet de reporter l’imposition de la plus-value réalisée lors de la cession de vos titres.
Mécanisme :
- Vous apportez les titres de votre société à une holding que vous contrôlez, sans réaliser de vente immédiate.
- L’imposition de la plus-value est simplement reportée (sursis ou report selon les modalités).
- La holding dispose alors de deux ans pour réinvestir au moins 60 % du produit de la vente dans une activité économique éligible, pour maintenir le report d’imposition.
Exemple pratique
Marc, 55 ans, détient 90 % de sa société valorisée 800 000 €. Il crée une holding à laquelle il apporte ses parts. Quelques mois plus tard, la holding revend l'entreprise ; la plus-value de 700 000 € n’est pas immédiatement imposée car Marc respecte les conditions de réinvestissement. Il peut ainsi réorganiser son patrimoine avant d’être imposé.
3.2. Le cas de la transmission avec abattement fixe de 500 000€
Dans certaines situations, notamment lors du départ à la retraite du dirigeant dans des délais bien précis, il est possible de bénéficier d’un abattement fixe dit "renforcé" de 500 000 € sur la plus-value réalisée lors de la cession de titres.
Pour en profiter, plusieurs conditions doivent être respectées :
- le cédant doit exercer effectivement ses fonctions de direction dans l’entreprise concernée depuis au moins cinq ans,
- cesser toute fonction et faire valoir ses droits à la retraite dans un certain délai après la cession (habituellement dans les deux ans).
- Par ailleurs, la cession ne doit pas être réalisée au profit du conjoint, d’un ascendant ou d’un descendant du cédant, et l’entreprise doit répondre à la définition de PME au sens communautaire.
Cet abattement permet de gommer une grande partie, voire la totalité, de la fiscalité sur la plus-value, ce qui constitue un avantage décisif pour une transmission optimisée du patrimoine professionnel.
Toutefois, il faut garder à l’esprit que ce dispositif, bien que très attractif, pourrait être remanié ou supprimé par le législateur dans l’avenir : il s’agit donc d’une opportunité à saisir tant qu’elle reste en vigueur.
4. Bien investir le capital issu de la cession
4.1. L’assurance-vie, toujours incontournable
Une fois la trésorerie issue de la cession perçue directement ou via dividende, le placement en assurance-vie permet :
- de valoriser le capital avec une fiscalité favorable sur les retraits (abattement annuel, prélèvements forfaitaires).
- d’optimiser la transmission, l’assurance-vie bénéficiant d’un régime successoral propre (CGI art. 990 I).
4.2. Diversification et sécurité post-cession
Au-delà de l’assurance-vie : investir une partie en immobilier, en private equity, ou dans des produits structurés contribue à sécuriser votre niveau de vie à la retraite et à diversifier vos sources de revenus.
5. Points de vigilance et erreurs à éviter
- Commencez tôt, l’anticipation est la clef !
- Privilégiez l’accompagnement de professionnels pour la structuration et la fiscalité (choix des outils, montage de la cession, rédaction des clauses).
- Ne négligez pas l’aspect successoral.
- Pensez à adapter la stratégie à chaque étape-clé de votre vie professionnelle, en intégrant les réformes fiscales en vigueur.