Vous vivez en concubinage et souhaitez protéger votre partenaire en cas de décès ? Avez-vous conscience de l’impact fiscal d’une telle démarche ? En matière de transmission de patrimoine, les concubins sont considérés par la loi comme des étrangers l’un pour l’autre. Cette situation, souvent méconnue, entraîne des conséquences financières désastreuses pour le survivant.
Sans anticipation, une succession ou une donation entre concubins peut être taxée à hauteur de 60 %, amputant de manière drastique le patrimoine que vous pensiez avoir sécurisé.
Comment éviter cette fiscalité confiscatoire ? Quels sont les outils à votre disposition pour transmettre vos biens dans des conditions acceptables ?
Cet article a pour but de vous alerter et de vous guider. Nous allons décortiquer les règles fiscales applicables, vous présenter les solutions les plus efficaces pour réduire la facture, et vous mettre en garde contre les erreurs à ne pas commettre.
L'objectif est de vous donner les moyens de protéger réellement celui ou celle que vous aimez.
Donations et successions : la dure réalité fiscale du concubinage
La loi française protège fortement les liens du mariage et du Pacs en matière de transmission de patrimoine, mais elle ignore presque totalement le concubinage. Cette absence de reconnaissance a des conséquences directes et brutales sur le plan fiscal.
1. La fiscalité de la succession : une imposition maximale
En l'absence de testament, le concubin survivant n'est pas un héritier légal. Il n'a droit à absolument rien sur la succession de son partenaire décédé. Pour qu'il puisse hériter, la rédaction d'un testament est donc une condition sine qua non.
Cependant, même avec un testament, le problème fiscal reste entier. Le concubin est taxé au tarif applicable aux personnes non-parentes.
- Un taux d'imposition de 60 % : Conformément au tableau III de l'article 777 du Code Général des Impôts (CGI), la part reçue par le concubin survivant est imposée à un taux fixe et confiscatoire de 60 %.
- Un abattement quasi inexistant : Avant l'application de ce taux, le survivant ne bénéficie que d'un abattement symbolique de 1 594 €.
Exemple concret :
Marc souhaite léguer par testament sa résidence principale, évaluée à 300 000 €, à sa compagne, Julie. Au décès de Marc, Julie devra s'acquitter de droits de succession.
- Base taxable : 300 000 € - 1 594 € = 298 406 €
- Montant des droits à payer : 298 406 € x 60 % = 179 043,60 €
****Pour hériter du logement, Julie devra verser près de 180 000 € à l'administration fiscale. Dans la majorité des cas, elle sera contrainte de vendre le bien pour pouvoir payer ces droits.
2. La fiscalité des donations : même combat
La situation n'est guère plus favorable pour les donations effectuées de son vivant. Le même régime fiscal s'applique : une taxation à 60 % après l'abattement de 1 594 €. Il n'y a aucun abattement spécifique ni tarif progressif comme pour les transmissions aux enfants ou entre époux/partenaires de Pacs.
Faire une donation à son concubin est donc fiscalement très pénalisant et rarement une bonne stratégie si elle n'est pas structurée différemment.
Les solutions pour réduire la fiscalité et protéger son concubin
Face à ce mur fiscal, il est heureusement possible de mettre en place des stratégies patrimoniales pour contourner ces règles et assurer une protection efficace à son partenaire. L'anticipation et le choix des bons outils sont essentiels.
1. L'assurance-vie : l'outil incontournable
L'assurance-vie est, de loin, la meilleure solution pour transmettre un capital à son concubin en quasi-franchise d'impôts. Son régime fiscal est dérogatoire au droit commun des successions.
Principe : Les capitaux versés au bénéficiaire désigné dans le contrat d'assurance-vie ne font pas partie de la succession de l'assuré. Ils ne sont donc pas soumis aux droits de succession de 60 %.
La fiscalité dépend de l'âge de l'assuré au moment des versements :
- Versements effectués avant 70 ans : Le concubin bénéficiaire profite d'un abattement personnel de 152 500 €. Au-delà de ce montant, les capitaux sont taxés à un taux forfaitaire de 20 % (jusqu'à 700 000 €), puis 31,25 %.
- Versements effectués après 70 ans : Les capitaux sont soumis aux droits de succession (donc 60 % pour un concubin) après un abattement global de 30 500 €, commun à tous les bénéficiaires. Les intérêts générés sont, eux, totalement exonérés.
Stratégie : Il est primordial d'alimenter ses contrats d'assurance-vie avant l'âge de 70 ans pour maximiser l'avantage fiscal. Le capital ainsi transmis peut permettre au concubin survivant de payer les droits de succession sur d'autres biens (comme le logement) ou de maintenir son niveau de vie.
2. L'achat immobilier en démembrement de propriété
Lorsque des concubins achètent un bien immobilier ensemble, le démembrement de propriété peut être une stratégie fine pour protéger le survivant. Il s'agit de l'achat en démembrement croisé.
Fonctionnement : Chaque concubin achète l'usufruit d'une moitié du bien et la nue-propriété de l'autre moitié.
- Pendant la vie commune : Les deux concubins ont l'usufruit de la totalité du bien et peuvent donc l'occuper ensemble.
- Au premier décès : L'usufruit détenu par le défunt s'éteint. Le survivant, qui était déjà nu-propriétaire de cette moitié, en devient plein propriétaire. Par ailleurs, il conserve l'usufruit qu'il détenait sur l'autre moitié.
- Résultat : Le concubin survivant se retrouve plein propriétaire d'une moitié du bien et usufruitier de l'autre. Il conserve donc la jouissance totale du logement jusqu'à son propre décès, sans que les héritiers du défunt ne puissent le lui contester.
Fiscalement, cette opération est neutre au moment du décès. Le survivant ne paie aucun droit de succession sur l'usufruit qui s'éteint.
3. La Société Civile Immobilière (SCI)
La création d'une SCI pour détenir un patrimoine immobilier est une autre solution très efficace pour organiser la transmission et la protection entre concubins.
- Gestion de la transmission : Il est possible de prévoir dans les statuts de la SCI un démembrement croisé des parts sociales, sur le même principe que pour un bien détenu en direct. Au décès, le survivant conserve la jouissance totale des biens détenus par la SCI.
- Éviter l'indivision avec les héritiers : Les statuts peuvent inclure une clause d'agrément qui oblige les héritiers du concubin décédé à obtenir l'accord du survivant pour devenir associés. En cas de refus, le survivant peut racheter les parts des héritiers, évitant ainsi une cohabitation non désirée.
La SCI offre une grande souplesse pour organiser sur mesure la protection du concubin survivant.
Les erreurs fréquentes à ne surtout pas commettre
La meilleure des stratégies peut être anéantie par une simple erreur ou un oubli. Voici les pièges à éviter absolument.
1. L'absence de testament
C'est l'erreur la plus fondamentale. Sans testament, votre concubin n'est pas votre héritier. Il ne recevra rien de votre patrimoine, qui ira en totalité à vos héritiers légaux (enfants, parents, frères et sœurs...). Quel que soit le montage envisagé, la rédaction d'un testament en faveur de votre concubin est la première étape indispensable.
2. Le financement déséquilibré d'un achat en indivision
Vous achetez un logement en indivision à 50/50, mais vous financez en réalité 80 % du bien sur vos fonds propres. L'administration fiscale peut considérer que vous avez consenti une donation indirecte de 30 % de la valeur du bien à votre partenaire. En cas de contrôle, ou si vous veniez à vous pacser ou marier par la suite, cette donation pourrait être taxée (après application de l'abattement correspondant au nouveau statut).
La solution : L'acte d'achat chez le notaire doit refléter précisément la contribution financière de chacun. Si un concubin prête de l'argent à l'autre pour l'acquisition, il faut formaliser ce prêt par une reconnaissance de dette.
3. Sous-estimer le besoin de liquidités pour le survivant
Même si vous léguez votre patrimoine à votre concubin par testament, celui-ci devra payer les 60 % de droits de succession. S'il n'a pas les liquidités nécessaires, il devra vendre les biens hérités.
La solution : L'assurance-vie est là pour ça. Le capital versé lui donnera les moyens de s'acquitter des droits de succession et de conserver le patrimoine que vous lui avez transmis.
Conclusion : la protection du concubin ne s'improvise pas
Vivre en concubinage, c'est choisir la liberté. Mais cette liberté ne doit pas être synonyme de précarité. En matière de transmission de patrimoine, le statut de concubin est le plus défavorisé par la loi française. La fiscalité de 60 % sur les donations et successions n'est pas une fatalité, mais une réalité qu'il est impératif d'anticiper.
Heureusement, des outils puissants comme l'assurance-vie, le démembrement de propriété ou la SCI permettent de construire une protection sur mesure pour votre partenaire. Ces stratégies, bien que très efficaces, demandent une expertise juridique et fiscale pour être mises en œuvre correctement.
Chaque situation familiale et patrimoniale est unique. Pour sécuriser votre avenir et celui de la personne qui partage votre vie, un diagnostic personnalisé est la première étape.
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