Vous vous intéressez à l'achat-revente immobilier et vous vous demandez quel statut adopter ? L'activité de marchand de biens, qui consiste à acheter des biens immobiliers pour les revendre en réalisant un profit, est une voie entrepreneuriale puissante.
Cependant, elle est encadrée par un régime fiscal spécifique et complexe qu'il est essentiel de maîtriser pour sécuriser et optimiser vos opérations.
Ce guide complet est conçu pour vous éclairer. Nous allons décortiquer le statut de marchand de biens, ses critères de définition, le régime d'imposition applicable et les obligations qui en découlent.
Que vous envisagiez votre première opération ou que vous soyez déjà un acteur de l'immobilier, vous trouverez ici les clés pour naviguer avec assurance dans l'environnement fiscal du marchand de biens.
Qu'est-ce qu'un Marchand de Biens sur le Plan Fiscal ?
Avant toute chose, il est crucial de comprendre ce qui définit un marchand de biens aux yeux de l'administration fiscale. Cette qualification ne dépend pas d'une inscription au registre du commerce, mais d'une analyse factuelle de vos activités.
Trois conditions cumulatives doivent être réunies pour que vos opérations relèvent de ce statut.
1. Des Achats et des Ventes
Le socle de l'activité est un double mouvement : une acquisition suivie d'une revente. Le terme "achat" est interprété de manière large par l'administration. Il inclut non seulement les achats classiques, mais aussi les apports en société, les échanges, ou encore les acquisitions par voie d'adjudication. La revente peut également prendre différentes formes.
2. L'Intention Spéculative : Le Critère Déterminant
C'est sans doute le critère le plus important et le plus subtil. Pour être qualifié de marchand de biens, vous devez avoir eu l'intention de revendre le bien dès le moment de son acquisition. Cette intention spéculative est recherchée par l'administration fiscale pour distinguer le marchand de biens du simple particulier qui gère son patrimoine privé.
Comment prouver ou contester cette intention ? Plusieurs indices sont analysés :
- Le délai entre l'achat et la revente : un délai court est un indice fort d'intention spéculative.
- Le montant des profits réalisés.
- Les caractéristiques des biens (par exemple, des biens nécessitant des travaux de rénovation avant revente).
- Votre profession et vos activités passées.
3. Le Caractère Habituel des Opérations
Le dernier critère est celui de l'habitude. L'activité de marchand de biens doit être exercée de façon répétée. L'habitude peut résulter du nombre et de la fréquence des opérations.
Attention, la jurisprudence a une interprétation extensive de cette notion. Par exemple, l'achat d'un seul immeuble qui est ensuite divisé et revendu en plusieurs lots peut suffire à caractériser l'habitude. De même, un particulier qui réalise plusieurs opérations d'achat-revente sur plusieurs années, même espacées, peut voir l'habitude retenue à son encontre.
C'est l'ensemble de ces éléments, défini notamment par l'article 35 du Code Général des Impôts (CGI), qui permet à l'administration de qualifier une personne physique ou morale de marchand de biens. La réunion de ces critères entraîne des conséquences fiscales majeures, à commencer par la nature des revenus générés.
L'Imposition des Profits : Le Régime des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC)
Contrairement à un particulier qui revend un bien immobilier et est imposé sur la plus-value privée, le marchand de biens est considéré comme exerçant une activité commerciale. Par conséquent, les profits qu'il réalise sont imposés dans la catégorie des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC).
Cette distinction est fondamentale. Le régime des BIC obéit à des règles de calcul et de déclaration complètement différentes de celles des plus-values des particuliers.
Comment Calculer le Bénéfice Imposable ?
Le bénéfice imposable d'une opération d'achat-revente correspond à la différence entre le prix de vente du bien et son prix de revient.
Bénéfice = Prix de vente - Prix de revient
Le prix de vente est le montant que vous percevez de l'acquéreur, auquel peuvent s'ajouter certaines charges mises à sa charge.
Le prix de revient est beaucoup plus large que le simple prix d'achat. Il inclut :
- Le prix d'acquisition du bien.
- Les frais d'acte (frais de notaire, droits d'enregistrement).
- Le coût des travaux de rénovation, de réhabilitation ou de construction.
- Les frais financiers (intérêts d'emprunt liés à l'acquisition).
- Les frais de commercialisation (commissions d'agence, frais de publicité).
- Toutes les autres charges engagées pour l'opération.
Il est impératif de conserver toutes les factures et justificatifs pour pouvoir déduire ces charges et ainsi réduire votre bénéfice imposable.
La Gestion des Stocks
Un point essentiel de la comptabilité du marchand de biens est la notion de stock. Les biens que vous achetez en vue de les revendre ne sont pas considérés comme des immobilisations (des actifs durables) mais comme des stocks.
Cette qualification a des implications comptables et fiscales. Par exemple, vous ne pouvez pas amortir un bien détenu en stock comme le ferait un investisseur locatif. La valeur du bien reste à votre bilan jusqu'à sa revente.
Exemple Pratique 1 : Calcul du bénéfice d'une opération
Imaginons que vous achetiez un appartement pour 150 000 €.
- Frais de notaire : 12 000 €
- Coût des travaux de rénovation : 30 000 €
- Intérêts de l'emprunt finançant l'opération : 5 000 €
- Frais d'agence pour la revente : 8 000 €
Votre prix de revient total est de : 150 000 + 12 000 + 30 000 + 5 000 + 8 000 = 205 000 €.
Vous parvenez à revendre l'appartement pour 250 000 €.
Votre bénéfice imposable pour cette opération est de : 250 000 € - 205 000 € = 45 000 €.
Ce montant de 45 000 € sera intégré à vos revenus BIC et soumis à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux (si vous exercez en nom propre) ou à l'impôt sur les sociétés (si vous exercez via une société soumise à l'IS).
Le Cadre Juridique et Fiscal : Entreprise Individuelle ou Société ?
Le choix de la structure juridique pour exercer l'activité de marchand de biens est une décision stratégique qui aura des conséquences fiscales, sociales et patrimoniales importantes.
L'Exercice en Nom Propre (Entreprise Individuelle)
C'est la forme la plus simple pour démarrer. Vous êtes seul maître à bord.
- Fiscalité : Les bénéfices (BIC) sont ajoutés aux autres revenus de votre foyer fiscal et soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu. Vous êtes également redevable des prélèvements sociaux (17,2 %) sur ces bénéfices.
- Régime social : Vous êtes affilié à la Sécurité Sociale des Indépendants (SSI). Vos cotisations sociales sont calculées sur la base de votre bénéfice.
- Responsabilité : Depuis 2022, votre patrimoine personnel est protégé. Seuls les biens utiles à votre activité professionnelle peuvent être saisis par vos créanciers professionnels.
L'entreprise individuelle est souvent adaptée pour des opérations ponctuelles ou de faible envergure. Cependant, lorsque l'activité se développe, le poids de l'impôt sur le revenu et des cotisations sociales peut devenir très lourd.
L'Exercice en Société
Créer une société est souvent l'étape suivante pour structurer et développer son activité. Les deux formes les plus courantes sont la SASU/SAS (Société par Actions Simplifiée) et la SARL/EURL (Société à Responsabilité Limitée).
Le principal avantage de la société est la possibilité d'opter pour l'impôt sur les sociétés (IS).
- Fiscalité à l'IS : Ce n'est plus vous, mais la société qui est imposée sur ses bénéfices. Le taux de l'IS est de 15 % sur les 42 500 premiers euros de bénéfice, puis de 25 % au-delà. Ce taux est souvent plus avantageux que le barème progressif de l'impôt sur le revenu, surtout pour les tranches d'imposition élevées.
- Rémunération du dirigeant : Vous pouvez choisir de vous verser une rémunération (salaire pour le président de SAS, rémunération de gérance pour le gérant de SARL) ou des dividendes. Chaque option a une fiscalité et des implications sociales différentes, ce qui offre une grande souplesse pour optimiser votre situation personnelle.
- Protection du patrimoine : Votre responsabilité est limitée au montant de vos apports dans la société.
La SCI (Société Civile Immobilière) est à manier avec précaution. Une SCI dont l'objet est l'achat-revente habituel bascule automatiquement à l'IS, car elle exerce une activité commerciale. Elle perd alors sa "transparence" fiscale.
Les dispositions de l'article 206 du CGI précisent que sont notamment passibles de l'impôt sur les sociétés les sociétés civiles qui se livrent à des opérations de nature commerciale.
Exemple Pratique 2 : Comparaison fiscalité IR vs IS
Reprenons notre bénéfice de 45 000 €.
- En entreprise individuelle (imposition à l'IR) :
****Supposons que vous soyez dans une tranche marginale d'imposition (TMI) de 30 %.
Impôt sur le revenu = 45 000 € * 30 % = 13 500 €
Prélèvements sociaux = 45 000 € * 17,2 % = 7 740 €
Total impôt + PS = 21 240 € (sans compter les cotisations sociales d'indépendant).
- En société à l'IS :
****Le bénéfice de 45 000 € est dans la tranche à taux réduit (car supérieur à 42 500 €).
Impôt sur les sociétés ≈ 42 500 * 15 % + (45 000-42 500) * 25% = 6375 + 625 = 7 000 €.
La société paie 7 000 € d'impôt. Il lui reste 38 000 € en trésorerie. Si vous décidez de vous verser ces 38 000 € en dividendes, ils seront soumis au prélèvement forfaitaire unique ("flat tax") de 30 %. Soit un impôt de 11 400 €.
Total impôt (IS + Flat tax) = 7 000 + 11 400 = 18 400 €.
Dans cet exemple simplifié, la structure à l'IS se révèle plus avantageuse. Le choix doit cependant faire l'objet d'une analyse personnalisée avec un professionnel.
Les Obligations Déclaratives et la TVA
Être marchand de biens implique des obligations administratives et fiscales rigoureuses.
Les Déclarations de Résultats
Que vous soyez en entreprise individuelle ou en société, vous devez tenir une comptabilité commerciale et déposer une déclaration annuelle de résultats (liasse fiscale).
- Il s'agit du formulaire 2031-SD et de ses annexes pour les entreprises soumises à l'IR.
- Il s'agit du formulaire 2065-SD et ses annexes pour les sociétés soumises à l'IS.
Ces documents détaillent le calcul de votre bénéfice imposable et doivent être télétransmis à l'administration fiscale. Le recours à un expert-comptable est quasi indispensable pour sécuriser cette démarche.
La TVA Immobilière
La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) est un sujet particulièrement complexe pour les marchands de biens. Le régime applicable dépend de la nature du bien et de la date de son achèvement.
De manière très schématique :
- Achat d'un terrain à bâtir pour revente : L'opération est soumise à la TVA sur la marge (différence entre prix de vente et prix d'achat) si l'achat n'a pas ouvert droit à déduction, ou sur le prix total sinon.
- Achat d'un immeuble achevé depuis plus de 5 ans pour revente : L'opération est en principe exonérée de TVA. Cependant, le marchand de biens peut opter pour la taxation à la TVA. Cette option est souvent stratégique car elle permet de récupérer la TVA payée sur les travaux de rénovation.
- Achat d'un immeuble neuf (achevé depuis moins de 5 ans) : L'opération est soumise à la TVA sur le prix total.
La gestion de la TVA immobilière demande une expertise pointue. Une erreur peut avoir des conséquences financières très lourdes.
Conclusion : Un Statut Professionnel à ne pas Prendre à la Légère
L'activité de marchand de biens offre des perspectives de rentabilité élevées, mais elle vous fait entrer dans la cour des professionnels de l'immobilier, avec les règles fiscales qui s'y attachent. La requalification d'un particulier en marchand de biens par l'administration fiscale peut entraîner des redressements importants.
La clé du succès et de la sérénité réside dans l'anticipation et la structuration. Avant même de réaliser votre première acquisition, il est fondamental de définir une stratégie claire, de choisir la structure juridique la plus adaptée à votre projet et à votre situation personnelle, et de vous entourer de conseils experts.
Un avocat fiscaliste spécialisé en immobilier et un expert-comptable seront vos meilleurs alliés. Ils vous aideront à sécuriser vos opérations, à optimiser votre fiscalité en toute légalité et à vous conformer à l'ensemble de vos obligations.
En maîtrisant le cadre fiscal, vous transformerez les contraintes en leviers de performance pour bâtir une activité d'achat-revente profitable et pérenne.