Fiscalité patrimoniale 📋 Cas #6

Recouvrement fiscal : Le sort des dettes du défunt

Analyse de la décision du Conseil d'État (N° 497769) sur le recouvrement des dettes fiscales d'un défunt auprès de ses héritiers et la répartition des compétences judiciaires.

F

Folly Germain AMOUZOUVI DOVO - Juriste fiscaliste et Fondateur de Lexanova

29 octobre 2025

5 min de lecture
Recouvrement fiscal : Le sort des dettes du défunt

Introduction

Dans une décision du 17 septembre 2025 (N° 497769), le Conseil d'État a apporté des précisions essentielles sur les règles de compétence juridictionnelle en matière de recouvrement des dettes fiscales d'une personne décédée. Cet arrêt clarifie la répartition des rôles entre le juge administratif, juge de l'impôt, et le juge judiciaire, juge de l'exécution, lorsque l'administration fiscale engage des poursuites contre un héritier.

La décision souligne notamment que la contestation relative au respect des formalités prévues par le Code civil, préalable à toute saisie, relève de la compétence du juge judiciaire.

Cet article se propose d'analyser la portée de cette décision et ses implications pour les héritiers confrontés aux dettes fiscales d'une succession.

Résumé de la Décision du Conseil d'État

L'affaire concernait un héritier ayant accepté purement et simplement la succession de sa mère. Cette dernière était redevable d'impôts locaux pour des années antérieures à son décès. L'administration fiscale a engagé des poursuites contre le fils pour recouvrer non seulement les dettes de la défunte, mais également les impositions postérieures au décès.

Pour ce faire, elle a émis plusieurs saisies administratives à tiers détenteur (SATD) sur les comptes bancaires de l'héritier.

L'héritier a contesté ces saisies en soulevant plusieurs arguments, dont un moyen de droit inédit devant la juridiction administrative : l'absence de signification préalable du titre exécutoire détenu contre la défunte, une formalité exigée par l'article 877 du Code civil.

Le Conseil d'État, confirmant le jugement de première instance, a statué que la contestation fondée sur le défaut de signification du titre exécutoire à l'héritier ne relevait pas de sa compétence.

Il a jugé qu'une telle contestation porte sur la régularité en la forme de l'acte de poursuite et doit, en vertu de l'article L. 281 du Livre des procédures fiscales (LPF), être portée devant le juge judiciaire.

Les Implications Juridiques et Fiscales

La Répartition des Compétences : Juge de l'Impôt vs. Juge de l'Exécution

La pierre angulaire de cette décision repose sur l'interprétation de l'article L. 281 du LPF, qui organise le contentieux du recouvrement forcé. Ce texte opère une distinction fondamentale :

  • Le juge de l'impôt (généralement le juge administratif pour les impôts directs et taxes assimilées) est compétent pour les contestations portant sur le fond du droit : l'existence de l'obligation de payer, le montant de la dette, ou son exigibilité.
  • Le juge de l'exécution (le juge judiciaire) est compétent pour les contestations portant sur la régularité en la forme de l'acte de poursuite.

La difficulté réside souvent dans la qualification du litige. Le Conseil d'État considère que la signification du titre exécutoire à l'héritier, prévue par le Code civil, est une formalité préalable aux poursuites. Son absence affecte donc la régularité formelle de la saisie, et non le bien-fondé de la créance fiscale elle-même. Par conséquent, seul le juge judiciaire peut se prononcer sur la validité de la saisie au regard de ce manquement.

Cette solution s'aligne sur une jurisprudence constante du Tribunal des conflits, qui tend à confier au juge judiciaire l'ensemble des contestations relatives aux formalités préparatoires à l'acte de poursuite (absence de mise en demeure, de lettre de relance, etc.).

L'Importance de l'Article 877 du Code Civil

L'article 877 du Code civil dispose que : « Le titre exécutoire contre le défunt l'est aussi contre l'héritier, huit jours après que la signification lui en a été faite ». Ce texte dispense le créancier (ici, l'administration fiscale) d'obtenir un nouveau titre exécutoire contre l'héritier. Cependant, cette facilité est contrebalancée par une obligation de protection de l'héritier.

La signification du titre a pour but de l'informer officiellement de l'existence de la dette et de lui permettre d'exercer son option successorale (acceptation pure et simple, acceptation à concurrence de l'actif net, ou renonciation) en toute connaissance de cause.

En qualifiant le moyen tiré de l'article 877 de contestation de forme, le Conseil d'État renforce indirectement la portée de cette garantie procédurale. Une saisie pratiquée sans cette signification préalable est susceptible d'être annulée par le juge judiciaire, ce qui priverait l'acte de tout effet, y compris son effet interruptif de prescription.

Les Règles Applicables aux Héritiers

Lorsqu'une personne décède, ses dettes, y compris fiscales, sont transmises à ses héritiers dans le cadre de la succession. La manière dont l'héritier est tenu de ces dettes dépend de son option successorale.

  • Acceptation pure et simple : L'héritier est tenu de l'intégralité du passif successoral, sans limitation. Si l'actif de la succession ne suffit pas à couvrir les dettes, il doit les payer sur son patrimoine personnel. C'est le principe de la confusion des patrimoines. Dans le cas d'espèce, l'héritier était réputé acceptant pur et simple, ce qui a fondé l'action en recouvrement de l'administration sur ses biens propres.
  • Acceptation à concurrence de l'actif net : L'héritier n'est tenu des dettes que dans la limite de la valeur des biens qu'il recueille dans la succession. Son patrimoine personnel est protégé.
  • Renonciation : L'héritier est considéré comme n'ayant jamais été héritier. Il ne reçoit aucun bien de la succession mais n'est, en contrepartie, tenu d'aucune dette.

La décision du Conseil d'État met en lumière la nécessité pour l'administration de respecter scrupuleusement les procédures civiles lorsqu'elle poursuit un héritier. Même si ce dernier est bien le débiteur légal de l'impôt en raison de son acceptation, les voies d'exécution forcée ne peuvent être engagées qu'après accomplissement des formalités garantissant ses droits.

Conclusion

La décision du 17 septembre 2025 constitue un rappel important des règles de répartition des compétences entre les ordres juridictionnels dans le contentieux du recouvrement fiscal. En jugeant que le respect de l'article 877 du Code civil relève du contrôle du juge judiciaire, le Conseil d'État circonscrit son propre office de juge de l'impôt et renforce la protection procédurale accordée aux héritiers.

Pour ces derniers, cette décision signifie qu'ils disposent d'un recours spécifique devant le juge de l'exécution pour contester la forme des poursuites engagées à leur encontre, indépendamment de leur obligation de payer la dette fiscale sur le fond.

Elle incite également l'administration fiscale à une vigilance accrue dans le respect des formalités civiles préalables à toute mesure de recouvrement forcé à l'encontre des successeurs d'un redevable.

Questions fréquentes

Experts en Fiscalité patrimoniale

Nos avocats fiscalistes peuvent vous accompagner sur ce type de dossier.

Recommandé
Photo de Tristan Joly, Avocat Fiscaliste à Rennes

Tristan Joly

Avocat Fiscaliste

Rennes

Tristan Joly est avocat associé chez CIME Avocats à Rennes, diplômé en Droit des Affaires et en Ingénierie Sociétaire et Patrimoniale de l’Université de Rennes 1. Son parcours débute dans la gestion de fortune au sein d'une grande banque parisienne avant de s’orienter vers l’accompagnement juridique des chefs d’entreprise, particuliers et sociétés depuis 2015. Il se distingue par une approche globale mêlant droit fiscal, droit des affaires et gestion patrimoniale, apportant une expertise technique fine à ses clients. Membre d'une équipe pluridisciplinaire, il privilégie des solutions personnalisées pour les dossiers complexes de restructuration ou transmission patrimoniale. Tristan Joly intervient aussi bien en conseil qu’en contentieux fiscal auprès d’une clientèle locale et nationale.

fiscalité patrimoniale fiscalité des entreprises transmission d'entreprise +3
Recommandé
Photo de Ludovic Richer, Avocat Fiscaliste à Rennes

Ludovic Richer

Avocat Fiscaliste

Rennes

Maître Ludovic Richer, fondateur de RICHER AVOCAT et avocat inscrit au barreau de Rennes depuis 2011, accompagne entreprises et associations en droit des affaires et du patrimoine. Fort d'une expérience acquise à la fois en entreprise et en cabinet d'affaires, il propose une expertise transversale conjuguant pragmatisme et rigueur juridique. Sa pratique est marquée par la transparence des honoraires, la relation de confiance et la clarté de l'information délivrée à ses clients. Le cabinet se distingue par sa disponibilité et son adaptabilité, privilégiant des solutions juridiques sur-mesure et une communication efficace à chaque étape de la mission. Maître Richer assure également la négociation et la représentation auprès des tiers, offrant ainsi un accompagnement complet.

fiscalité patrimoniale fiscalité des entreprises fiscalité du patrimoine +2
Recommandé
Photo de Emmanuel Duvilla, Avocat Fiscaliste à Lyon

Emmanuel Duvilla

Avocat Fiscaliste

Lyon

Le cabinet Auravocats, situé à Lyon 6, conseille dirigeants, actionnaires et professionnels libéraux dans tous les aspects du droit fiscal. Il se distingue par l'accompagnement stratégique des sociétés et groupements en fusion-acquisition, transmission et restructuration. L’équipe, pluridisciplinaire, couvre la fiscalité d’entreprise, patrimoniale et personnelle pour une approche globale. Auravocats offre aussi une forte expertise sur la fiscalité du secteur santé et des professions libérales, ainsi qu’un suivi personnalisé sur devis. Cabinet à taille humaine et orientation conseil, il privilégie discrétion et accompagnement sur-mesure.

fiscalité des entreprises fiscalité patrimoniale conseil fiscal +5
Photo de Pierre-Emmanuel GUIDET, Avocat Fiscaliste à Paris

Pierre-Emmanuel GUIDET

Avocat Fiscaliste

Paris

Pierre-Emmanuel Guidet, fondateur du cabinet GUIDET & Associés à Paris, est ancien inspecteur des impôts, diplômé de l'École Nationale des Impôts. Depuis 1995, il offre une expertise pointue en contentieux fiscal, gestion des contrôles, recouvrement et droit des sociétés. Son expérience unique au sein de l’administration fiscale lui permet de défendre et conseiller efficacement entreprises et particuliers. Le cabinet est reconnu pour son approche personnalisée, chaque dossier étant suivi par un avocat référent avec un accompagnement continu. Il collabore activement avec des partenaires académiques et intervient dans la rédaction de guides pratiques sur le contrôle fiscal.

droit fiscal général fiscalité des particuliers fiscalité des entreprises +11
Photo de Clément BANCHETRI, Avocat Fiscaliste à Marseille

Clément BANCHETRI

Avocat Fiscaliste

Marseille

Avocat au barreau de Marseille depuis 2011, Clément Banchetri est spécialisé exclusivement en droit fiscal et droit des sociétés. Fondateur du Cabinet Banchetri, il justifie d’une expertise reconnue dans l’assistance lors de contrôles fiscaux, la contestation des redressements ainsi que l’optimisation fiscale pour particuliers et entreprises. Son parcours comprend une formation pointue en droit fiscal (Université Aix-Marseille), des expériences auprès d’un ancien inspecteur des impôts, d’experts-comptables et d’avocats, ainsi que des formations complémentaires à l’étranger. Il accompagne également ses clients dans la restructuration d’activités, la transmission patrimoniale et la fiscalité internationale. Le cabinet se distingue par une défense rigoureuse et des conseils adaptés aux enjeux fiscaux les plus complexes.

droit fiscal droit des sociétés optimisation fiscale +4
Photo de Pauline Eyssartier, Avocat Fiscaliste à Bordeaux

Pauline Eyssartier

Avocat Fiscaliste

Bordeaux

Maître Pauline Eyssartier, docteure en droit et inscrite au Barreau de Bordeaux depuis 2016, accompagne particuliers, chefs d'entreprise et sociétés dans la gestion de leurs problématiques fiscales et juridiques. Elle dispose d'une expertise spécifique en fiscalité du patrimoine, optimisations fiscales, fiscalité internationale et contentieux fiscal. Son approche privilégie conseil sur-mesure et transparence, afin de sécuriser fiscalement les opérations et structurer efficacement le patrimoine de ses clients. Le cabinet propose un accompagnement personnalisé, aussi bien en conseil qu’en contentieux fiscal, avec une attention particulière portée à la prévention des risques. Ses interventions couvrent également la création, gestion et restructuration d'entreprises ainsi que la fiscalité immobilière.

fiscalité du patrimoine fiscalité internationale fiscalité des entreprises +3
Vous êtes avocat fiscaliste ?

Rejoignez notre réseau d'experts

Développez votre clientèle grâce à LexaNova. Bénéficiez d'une visibilité accrue et d'un flux régulier de clients qualifiés.

Rejoindre le réseau

Information légale

Les informations contenues dans cet article sont fournies à titre informatif uniquement et ne constituent pas un conseil fiscal, juridique ou financier personnalisé.

Nous vous recommandons de consulter un avocat fiscaliste agréé pour obtenir des conseils adaptés à votre situation personnelle.

Article mis à jour le 29 octobre 2025