Fiscalité des entreprises en difficulté et plans de restructuration : comprendre, anticiper et optimiser

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F. Germain AMOUZOUVI-DOVO
Juriste fiscaliste chez LexaNova
📅 16/07/2025 ⏱️ 8 min de lecture 🏢 Fiscalite Entreprises
Fiscalité des entreprises en difficulté et plans de restructuration : comprendre, anticiper et optimiser

📋 Résumé de l'article

Découvrez tout sur la fiscalité applicable aux entreprises en difficulté et aux plans de restructuration en France : procédures collectives, étalement de dette, remises, report de déficits, risques, cas pratique, conseils de vigilance et FAQ.

Fiscalité des entreprises en difficulté et plans de restructuration : comprendre, anticiper et optimiser

Introduction : Entreprises en difficulté, un enjeu fiscal majeur en 2025

En 2025, plus de 55 000 entreprises françaises feront face à une procédure collective, selon les dernières données de l’INSEE. Que se passe-t-il lorsqu’une entreprise est confrontée à une trésorerie exsangue, des dettes fiscales accumulées ou un risque de cessation de paiements ?

Deux questions clés surgissent alors pour les dirigeants et leurs conseils :

  • Comment la fiscalité s’applique-t-elle durant les différentes étapes des procédures collectives (sauvegarde, redressement, liquidation) ?
  • Quels leviers fiscaux et quelles mesures peuvent être mobilisés pour donner une chance supplémentaire à un projet de restructuration ?

Pour préserver la pérennité de leur structure, entreprises et entrepreneurs doivent anticiper les impacts fiscaux liés à la difficulté puis à la restructuration. Cette problématique, dense et structurante, influe directement sur la trésorerie, la viabilité et la responsabilité du dirigeant.

Avant d’entrer dans une procédure collective, il existe divers outils préventifs (conciliation, accords amiables) qui permettent d’engager un dialogue avec l’administration fiscale. L'objectif : négocier un rééchelonnement ou l’étalement des paiements de dettes – TVA, impôt sur les sociétés, contributions sociales, notamment (voir BOFiP-DRC série « Procédures collectives » ; CGI art. 209 pour les déficits reportables).

1. Mesures préventives
La conciliation – procédure confidentielle –, permet au dirigeant, via le tribunal, de demander un report ou un rééchelonnement des dettes fiscales. En cas d’accord, il est crucial de respecter strictement le calendrier de paiement, sous peine de voir l’avantage annulé.
L’accord amiable fiscal fonctionne de manière similaire, mais relève d’une négociation directe entre l’entreprise et le Trésor public. Là encore, la capacité à exposer la viabilité du plan proposé est centrale.

2. Procédures formelles : sauvegarde, redressement, liquidation

  • Sauvegarde (art. L. 620-1 et s. du Code de commerce) : elle protège l’entreprise contre les poursuites, le temps de bâtir un plan de redressement. Celui-ci pourra comprendre l’étalement des dettes fiscales (BOFiP-DRC), voire, à titre exceptionnel, des remises partielles.
  • Redressement judiciaire : appliqué en cas de cessation de paiements, le fonctionnement est similaire. Les créances fiscales nées avant l’ouverture sont « gelées » puis reclassées. Par la suite, l’entreprise doit respecter de façon rigoureuse ses obligations fiscales déclaratives et de paiement, sous peine de voir son plan remis en cause.
  • Liquidation judiciaire : étape finale du processus. Ici, les dettes fiscales antérieures à l’ouverture de la liquidation sont traitées au sein de la procédure et ne sont pas exigibles individuellement. Les dettes fiscales postérieures doivent, elles, être acquittées immédiatement.

Le statut particulier des créances fiscales, grâce au « superprivilège » (articles L. 622-17 et L. 641-13 du Code de commerce), leur donne priorité dans le remboursement dès lors qu’elles sont récentes. Pour les créances plus anciennes, l’ordre de paiement est régi selon la nature de la dette et la date d’exigibilité.

Les remises de dettes fiscales restent exceptionnelles. Elles nécessitent l’accord conjoint du comité des créanciers et du juge. Leur traitement fiscal se veut rigoureux : la fraction de dette remise doit être enregistrée en produit exceptionnel imposable, conformément à la doctrine administrative (BOFiP-BIC-BASE-50-30-20).

Enfin, le report en avant des déficits demeure possible tant que l’activité continue : voir CGI art. 209, I, application souple rappelée par la jurisprudence et la doctrine fiscale. Ce mécanisme autorise l’imputation des déficits antérieurs sur les résultats à venir, à condition notamment de ne pas modifier substantiellement l’objet social ou l’activité principale.

Cas pratique : Lefèvre Industrie, PME en redressement et arbitrages fiscaux

Illustrons ces enjeux par la situation de Monsieur Pierre Lefèvre, dirigeant et fondateur de la PME Lefèvre Industrie, spécialisée dans les pièces mécaniques. Depuis 2023, l’entreprise subit une forte chute de son activité et accumule des dettes fiscales – 150 000 €, tandis que ses déficits reportables atteignent 300 000 €. En avril 2025, la société sollicite une procédure de redressement judiciaire.

Lefèvre Industrie demeure soumise à l’impôt sur les sociétés, doit effectuer ses déclarations, et peut imputer ses déficits reportables sur d’éventuels bénéfices futurs, sous réserve de continuité de l’activité (CGI art. 209). Les dettes fiscales nées avant le jugement d’ouverture sont « gelées » et font l’objet d’un classement privilégié.

Scénario 1 : L’entreprise règle immédiatement les 150 000 € dus, mais sa trésorerie vacille ; la viabilité du plan est compromise.

Scénario 2 : Un plan d’étalement sur 5 ans (30 000 € annuels), intégré au plan de redressement, ménage la trésorerie. La société demeure sous stricte surveillance, le respect du plan restant essentiel.

Scénario 3 : Si une remise partielle de 50 000 € est accordée après validation de l’administration et du tribunal, la dette passe à 100 000 €, mais entraîne la constatation d’un produit exceptionnel imposable au titre du résultat fiscal de l’exercice (BOFiP-BIC-BASE-50-30-20), générant donc une charge d’impôt supplémentaire.

Lefèvre Industrie doit donc arbitrer : préserver au maximum sa trésorerie, anticiper l’impact fiscal d’une éventuelle remise, maintenir le dialogue avec le Trésor et accompagner chaque démarche d’une documentation claire (pièces justificatives, simulation de trésorerie, etc.). Un accompagnement par un professionnel du chiffre ou du droit demeure le gage d’une gestion optimale et conforme.

Points de vigilance et risques fiscaux : les pièges à éviter

En période de restructuration, l’un des principaux risques est la perte de confiance de l’administration fiscale, qui peut dénoncer un plan si les échéances ne sont pas respectées (paiement, déclaration). La responsabilité du dirigeant peut aussi être engagée en cas d’omission ou de faute grave : à défaut de déclaration sincère, le risque de majoration et de poursuites personnelles n’est jamais exclu.

  • Erreur de déclaration ou omission : défaut de dépôt des liasses ou déclaration partielle de TVA.
  • Changements substantiels d’activité : si la société modifie brutalement son objet ou sa forme au cours de la restructuration, elle peut perdre le droit au report de ses déficits (BOFiP-IS-DEF-10-10).
  • Imposition de l’abandon de créance : la remise d’une dette génère un produit exceptionnel, potentiellement fiscalisé immédiatement.

Chaque étape requiert dialogue et documentation rigoureuse, faute de quoi l’entreprise s’expose à des rectifications, voire à une annulation des mesures de faveur (étalement ou remise de dette).

Optimisation fiscale en situation de crise : leviers et stratégies

Certaines stratégies permettent de limiter l’impact de la crise sur la fiscalité de l’entreprise :

  • Mobiliser le report des déficits (CGI art. 209) : l’imputation sur les futurs bénéfices, voire l’option pour le report en arrière sous conditions, atténue l’impôt à payer.
  • Négocier l’abandon de créance : en sollicitant un étalement ou une remise partielle, on préserve la trésorerie, tout en anticipant l’imposition du produit exceptionnel. Un calcul précis sera indispensable pour optimiser l’opération.
  • Fiscalité de la cession d’actifs en plan de cession : en cas de vente d’une branche ou d’un actif isolé, la plus-value, nette des déficits imputables, est souvent soumise à l’IS (voire exonérée si le régime de faveur des fusions ou apports s’applique – BOFiP-IS-FUS-10 et s.).
  • Gestion du passif fiscal post-collectif : toute créance née postérieurement à la procédure doit être gérée avec une extrême vigilance, sous peine de perte des avantages acquis.

L’utilisation pertinente de ces dispositifs, combinée à un dialogue permanent avec les créanciers et l’administration fiscale, maximise les chances de succès d’une restructuration.

Conclusion : Sécuriser son projet, dès la première difficulté

La fiscalité reste un enjeu central dès l’apparition des premières difficultés, car elle conditionne la viabilité du projet de redressement. Mobiliser en temps utile les outils juridiques et fiscaux, en les articulant avec les exigences de la procédure collective, fait toute la différence.
Pour maximiser ses chances, il est recommandé de :

  • Ouvrir le dialogue tôt avec le service des impôts et les autres créanciers.
  • Allier rigueur documentaire et simulations financières pour convaincre de la pérennité du plan.
  • Se rapprocher d’un expert-comptable ou d’un avocat fiscaliste afin d’adapter les stratégies aux besoins spécifiques de l’entreprise.

Pour accéder rapidement à un avocat fiscaliste expérimenté, pensez à solliciter Lexanova, plateforme dédiée à la mise en relation avec des spécialistes du droit fiscal.

FAQ – Réponses aux questions fréquentes sur la fiscalité des entreprises en restructuration

  • Comment sont traités les déficits d’une entreprise en redressement judiciaire ?
    Ils restent imputables sur les exercices bénéficiaires ultérieurs, sous réserve de continuité d’activité (CGI art. 209).
  • Une remise de dette fiscale est-elle imposable ?
    Oui, la partie remisée est considérée comme un produit imposable (BOFiP-BIC-BASE-50-30-20).
  • Quelles conséquences fiscales en cas de cession d’actifs lors d’un plan de cession ?
    Les plus-values éventuelles sont soumises à l’IS, avec possibilité d’imputer les déficits reportables.
  • La TVA est-elle exigible pour une entreprise en liquidation ?
    Oui, la TVA due sur l’activité postérieure à l’ouverture de la liquidation doit être acquittée normalement.
  • Le dirigeant peut-il être tenu responsable des dettes fiscales ?
    Exceptionnellement, en cas de manœuvres frauduleuses ou de faute de gestion caractérisée.

L’essentiel à retenir

Les entreprises en difficulté disposent aujourd’hui d’un arsenal juridique et fiscal efficace, permettant d’étaler, voire d’obtenir des remises de dette, de préserver la trésorerie ou de maximiser l’utilisation des déficits antérieurs. Chaque outil – conciliation, sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation – offre des leviers fiscaux spécifiques. Toutefois, leur réussite dépend d’un respect scrupuleux des engagements pris, d’une documentation rigoureuse et d’une anticipation permanente.

La fiscalité d’une entreprise en procédure collective exige une vigilance extrême – tant dans les déclarations que dans les négociations avec les services fiscaux. Lexanova permet de contacter rapidement un avocat fiscaliste pour sécuriser ces opérations sensibles.

En définitive, agissez le plus en amont possible : anticiper, dialoguer, documenter – voilà la clé pour transformer la crise en opportunité de rebond.

⚠️ Important

Cet article est fourni à des fins d'information uniquement. Pour des conseils fiscaux personnalisés adaptés à votre situation, consultez un avocat fiscaliste.

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